Les managers empathiques réussissent-ils mieux que les autres ?

L’empathie au travail semble dorénavant faire partie de la panoplie nécessaire aux managers pour fédérer et motiver ses équipes. Apporte-t-elle vraiment un atout différenciant et à quel point ? Explorons cette facette du manager d’aujourd’hui.

Les managers empathiques réussissent-ils mieux que les autres ?

L’empathie au travail semble dorénavant faire partie de la panoplie nécessaire aux managers pour fédérer et motiver ses équipes. Apporte-t-elle vraiment un atout différenciant et à quel point ?

Explorons cette facette du manager d’aujourd’hui.

Manager faisant preuve d'empathie au travail avec son collaborateur

Commençons par quelques propos de managers :

#1 “Bonjour Caroline. J’ai apprécié ton point d’étape sur le projet. Je comprends que tu hésites entre plusieurs solutions techniques. En effet, la problématique est assez complexe. Si tu veux, on se fait un point ensemble dans l’après-midi  ? Vers 16h, ça te va ? »

#2 “Comment vas-tu Ryan ? Des nouvelles de la santé de ta mère ? Dis-moi si tu as besoin d’un après-midi pour aller la voir. On s’arrangera avec l’équipe.”

#3 “Et pour clore la réunion, une mention spéciale pour Albert qui a trouvé une solution de génie pour régler le problème. Albert, tu es un chef. Je ne sais pas ce qu’on ferait sans toi !

Quels ont les points communs entre ces 3 situations ? Peut-être simplement l’intervention d’un manager empathique qui vous a marqué·e ?

Car qui n’a jamais douté face à un projet nouveau qui s’enlise et qui nécessite de l’aide ? Vécu une difficulté personnelle (de santé, sentimentale, familiale ou autre) qui nous mine et impacte le travail ? Ou connu le plaisir d’être explicitement reconnu·e pour ses compétences, ses idées ou son engagement ?

Une vie (professionnelle et personnelle) n’est en effet pas un long fleuve tranquille et parfois, un peu de temps, de l’écoute, une marque de reconnaissance de sa hiérarchie, un conseil ou tout simplement le sentiment d’être considéré comme une personne à part entière, et pas seulement comme un salarié de l’entreprise, fait toute la différence pour surmonter un problème ou ranimer un engagement.

Mais pour cela, il faut que cet input tombe juste. Et c’est toute la différence entre l’input d’un manager qui a suffisamment d’empathie pour comprendre la situation et tenter d’apporter du soutien à son collaborateur, et celui qui ne se pose pas ces questions et ne peut donc y répondre.

Alors, les managers empathiques réussissent-ils mieux que les autres ?

Oui, mais attention à éviter certains écueils…

Nous vous proposons de voir lesquels dans cet article. Avant cela, regardons l’histoire du terme « empathie », ce qu’elle recouvre, ses manifestations, ses bénéfices et comment la développer.

L’empathie : historique, définition, différence avec sympathie

Le terme d’empathie plonge ses racines dans le grec ancien “en” qui signifie “dans, à l’intérieur”, et de “pathos” qui signifie “souffrance, ce qui est éprouvé”.

Créé en 1873 par le philosophe Robert Vischer dans sa thèse “Über das optische Formgefühl” son origine vient du mot allemand Einfühlung », littéralement “ressenti de l’intérieur” pour désigner l’empathie esthétique, qui décrit au départ le mode de relation d’un sujet avec une œuvre d’art permettant d’accéder à son sens.

En 1909, apparait le mot anglais “empathy” qui désigne pour un individu “la reconnaissance et la compréhension des sentiments, des émotions voire des motivations d’un autre individu”.

Souvent illustrée par l’expression “se mettre à la place de l’autre”, l’empathie se distingue de la sympathie ou de la contagion émotionnelle par le fait de comprendre précisément les sentiments d’autrui tout en conservant une certaine distance affective par rapport à l’autre. Ce à la différence de la sympathie qui implique, au-delà de comprendre, de partager les peines et les joies des autres, en les ressentant de son propre point de vue.

Certains vont plus loin en détaillant 3 notions :

  • L’empathie cognitive qui désigne la capacité à comprendre les pensées, les sentiments et les motivations d’autrui. C’est une forme d’empathie « intellectuelle » où l’individu tente de voir le monde du point de vue de l’autre sans nécessairement ressentir les mêmes émotions.
  • L’empathie affective qui est la capacité à comprendre les émotions d’autrui. C’est souvent en ce sens qu’on utilise le terme d’empathie dans le langage courant.
  • L’empathie compassionnelle ne consiste quant à elle pas simplement à constater, comprendre et ressentir le sentiment de la souffrance ou de la joie d’autrui, mais suppose une attitude bienveillante à son égard, qui pousse à vouloir agir pour aider ou soulager l’autre. C’est en ce sens une combinaison de compréhension, de ressenti et d’action.

Pour la suite de cet article, nous utiliserons le terme d’empathie dans son sens large, comme la capacité de voir les choses du point de vue d’autrui et de ressentir ses émotions.

Comment reconnaît-on un manager empathique ?

Les exemples de ce début d’article peuvent donner quelques idées. Ainsi, un manager empathique sera le plus souvent :

  • À l’écoute et bienveillant : vous pourrez en tant qu’employé·e lui faire part de vos difficultés et questionnements. Il ne vous jugera pas et tentera de vous aider pour réaliser vos missions en faisant reconnaître le droit à l’erreur.
  • Disponible : inutile de faire le pied de grue devant son bureau. Il s’arrangera pour vous consacrer le temps nécessaire, voire saura vous en proposer de lui-même.
  • À même de reconnaître ce que vous faites… et de le valoriser : et pourtant ce n’est pas toujours dans notre culture de faire spontanément des feedbacks positifs.
  • Capable d’adapter son management aux besoins des membres de son équipe : il saura déterminer quel soutien apporter à un nouvel employé, soutien qui sera différent de celui à donner à une personne plus expérimentée et qui différera également en fonction de la personnalité des collaborateurs. Il saura fixer ainsi des objectifs SMART, à la fois concrets, réalisables et stimulants pour chacun.e.
  • Il saura également reconnaître les situations humaines difficiles et les émotions qu’elles peuvent provoquer, que ces situations soient professionnelles ou personnelles et pourra adapter son comportement en conséquence.

Le manque d’empathie peut toutefois se manifester à des degrés divers dans un spectre qui va de l’empathie réduite (je ressens des choses mais j’ai du mal à les traduire en action et je me montre souvent maladroit·e dans ma réponse) au plus extrême, le manque d’empathie avec hostilité (non seulement je suis déconnecté·e émotionnellement, mais je peux me montrer manipulateur·rice ou cruel·le) !

Entre les deux, on peut distinguer l’empathie conditionnelle (exemple : je n’ai d’empathie que pour mes proches et ne ressens rien pour les autres), l’empathie déficiente cognitive (j’ai du mal à reconnaître les émotions des autres) ou émotionnelle (je comprends intellectuellement les émotions mais ne les ressens pas) de l’empathie absente (je ne reconnais pas les émotions et ne peux me connecter aux autres).

Ces degrés peuvent venir de facteurs innés (troubles neurologiques ou génétiques comme par exemple l’autisme), acquis (suite à des traumatismes ou à un environnement) ou situationnels (fatigue, conflits, stress…).

Les vertus d’un leadership empathique

Derrière le terme de “leadership empathique”, il y a l’idée de gérer à la fois ses propres émotions, mais aussi celles de ses équipes, pour créer un environnement de travail propice au bien-être et à la performance de l’entreprise.

Ainsi, parce qu’un comportement empathique permet de comprendre l’autre dans la situation qu’il vit et de réagir en conséquence avec bienveillance, le leadership empathique crée et développe un climat de confiance dans l’équipe.

La place donnée à la communication est réelle et les idées peuvent s’exprimer sans crainte, ce qui nourrit l’innovation et la collaboration.

Par les échanges et la compréhension de l’autre, le manager anticipe les problèmes potentiels, évite qu’ils ne s’aggravent et par le soutien qu’il apporte, favorise le développement individuel des employés et leur montée en compétences dans l’entreprise.

Et quand on apprend, qu’on est reconnu dans ce que l’on fait, qu’on se sent en confiance, l’ambiance de travail s’en ressent et la fidélisation des collaborateurs est tangible.

Quoi de plus satisfaisant et “confortable” pour un manager que d’avoir une équipe compétente, motivée, impliquée et stable ?

C’est d’ailleurs ce à quoi aspirent les jeunes à l’aube de leur entrée dans le monde du travail.

L’empathie, un élément clé plébiscité par les jeunes au travail

Dans une récente enquête BVA sur le bonheur au travail vu par les jeunes de 18-24 ans auprès de 1 102 personnes dont 557 étudiants, 85% estiment que la performance de l’entreprise va de pair avec le bien-être et la santé au travail.

Et les facteurs influant le bien-être sont, pour la moitié des sondés, l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, suivi de près par le soutien et l’écoute (33%), l’entente dans l’équipe (31%) et le salaire (28%).

Dans cette même étude, il s’avère que les critères jugés indispensables pour exercer un emploi idéal sont le salaire (42%), suivi de l’ambiance (31%) et des possibilités d’évolution (19%).

Ainsi, comme nous l’observons chaque jour, le facteur humain est primordial et la place de l’empathie, une réalité.

D’après l’étude de l’IFOP de 2022 sur le climat social, sur les 8 millions d’encadrants en France, 56% sont à la tête d’une équipe de moins de 5 collaborateurs. Une équipe à taille humaine peut ainsi faciliter la capacité de son manager à faire preuve d’empathie.

Mais comment la développer si nécessaire et ne pas se laisser déborder ?

Comment développer son empathie au travail ?

Que ce soit pour la développer ou ne pas se laisser déborder, il faut se connaître soi-même afin d’éviter les biais et savoir sur quoi travailler.

Une introspection peut être utile :

  • Suis-je attentif/ve au vécu, aux ressentis des membres de mon équipe ?
  • Ai-je le sentiment de les comprendre ?
  • Quels feedbacks me font-ils à ce sujet ?
  • Est-ce que je passe du temps à échanger avec eux ? Suffisamment ? Qu’en pensent-ils ?

Il est également important de travailler son écoute et évidemment garder du temps pour interagir et développer la communication avec les membres de son équipe : laisser physiquement la porte ouverte quand on est disponible, se forcer à faire des points réguliers sur les actions et missions, mais aussi se faire confiance et leur faire confiance.

Des pistes pour renforcer l’écoute et le non jugement :

  • Pratiquer le silence actif. Se taire pour laisser un silence dans l’échange aura plusieurs vertus :
    • Laisser le temps à notre interlocuteur de réfléchir à ce qui est dit
    • Lui permettre de développer spontanément sa pensée
    • Et aussi… nous obliger à résister à la tentation de trop parler (donc de ne plus écouter !)
  • Accuser réception : montrer à l’autre que l’on reçoit son propos sans interprétation ni jugement. C’est l’écoute inconditionnelle. Pour se faire : reformuler le dit et/ou le non-dit en exprimant une hypothèse, une question, …

Il ne faut pas non plus hésiter à échanger avec des pairs et à se former sur le sujet : un coach, un mentor, un autre manager, un membre des RH peuvent apporter de précieux conseils sur la façon d’aborder une situation.

Enfin, une autre façon de développer son empathie : lire des romans ! De nombreuses études (comme celle révélée dans Cerveau & Psycho) soulignent en effet que se plonger dans l’histoire des autres, même fictive, renforce notre aptitude à comprendre leurs mobiles, leurs modes de pensée, leurs émotions, …

Gérer son empathie pour ne pas se laisser déborder est également important quand on est manager. Il y a en effet certains risques à être trop empathique.

Trop d’empathie au travail : les principaux risques

Le premier risque est de favoriser certains employés ou de prendre partie, soit dans des conflits, soit pour une personne en particulier si sa situation nous touche trop (santé, problème personnel ou autre).

Également, parce que l’empathie suppose la reconnaissance et la compréhension des sentiments, des émotions et des motivations d’un autre, la charge émotionnelle peut être parfois difficile à gérer sur le plan personnel, a fortiori si les objectifs vont à l’encontre de ses opinions. Vivre une restructuration quand on anticipe son impact sur les collaborateurs peut être douloureux, même si l’empathie suppose une nécessaire distanciation.

Il est donc important de se fixer des limites pour se préserver et ne pas tout accepter et tout prendre en charge.

Quand on est manager de proximité, ce qui est le cas de plus de la moitié des managers -les 44% restants étant constitués de managers de managers et membres du Codir-, on est davantage en prise directe avec le terrain.

Plus on monte dans la hiérarchie, plus les décisions difficiles à prendre et leurs conséquences s’intellectualisent, d’abord parce que les informations à disposition et la vision dans le temps sont différents, ensuite parce le contexte de travail est différent.

Cela dit, même en situation de stress important et même avec une équipe en distanciel, un manager empathique à l’écoute peut, quel que soit son niveau hiérarchique, mieux soutenir son équipe en reconnaissant leurs émotions et en leur proposant des solutions adaptées grâce à une bonne communication.

On le voit, même si l’empathie est une force, pour qu’elle reste bénéfique, un manager doit apprendre à la canaliser et à l’utiliser de manière équilibrée en s’attachant à prendre du recul, à déléguer et se faire aider si besoin. Cela l’aidera aussi à garder un équilibre entre les besoins de l’équipe, les siens propres et ceux de l’organisation.

Quelques témoignages en conclusion…

Isabelle, 52 ans, commerciale sédentaire dans les panneaux photovoltaïques : ”Ces dernières années, la législation a beaucoup évolué et avec le Covid, en étant en télétravail avec tout ce que cela comporte, j’ai eu un gros passage à vide. Malgré la distance, mon chef a perçu que ça n’allait plus et au lieu de me juger, il a pris du temps pour moi et j’ai peu à peu repris confiance dans mes capacités. J’ai le sentiment que grâce à lui, j’ai évité un burn-out. Aujourd’hui je vais bien et je suis attentive aux autres car je sais que ça peut arriver à tout monde au moment où on ne s’y attend pas. La communication est primordiale.”

Nasser, 33 ans, manager technique dans une multinationale de Telecom : “4 ans après mon arrivée comme ingénieur réseaux, j’avais l’impression de stagner. J’ai commencé à regarder à l’extérieur. Je gagnais bien ma vie mais je n’arrivais pas à me projeter. Je ne voyais jamais mon responsable et… j’ai eu une nouvelle big chef. On a parlé de moi, de la façon dont je vivais mon job et de mes aspirations – à l’époque, je n’en n’avais plus vraiment -. Elle m’a confié un nouveau projet, m’a nommé tuteur d’un alternant, m’a proposé une formation en management et ça a été le déclic. J’ai accompagné au total 4 nouveaux ingénieurs, et je viens de passer manager technique d’une équipe de 7. J’adore ça et j’apprends tous les jours. Je ferai attention à être comme elle car c’est super important la motivation”.

John, 45 ans, membre du Codir d’une société spécialisée dans l’évènementiel : “Depuis 3 ans, la concurrence est vraiment difficile. Avec l’IA, on a dû réduire drastiquement l’effectif de la branche graphique. Je sais qu’il faut le faire mais je sais aussi que ce sera difficile pour les 8 personnes concernées sur les 20 en place. Pour elles et pour ceux qui restent, on fera ça du mieux qu’on peut. On leur doit ça. Il en va de notre culture d’entreprise.”

Pour qui a vécu une situation qui s’apparente à celles-ci, nul doute que l’empathie fait partie des qualités nécessaires à tout manager et collaborateur. Les RH le savent bien… Alors empathisez… mais en vous préservant !

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