Affirmation de soi : pourquoi et comment s’affirmer au travail ?

Dans un environnement professionnel où les échanges, les projets collectifs, l’aisance sociale, la capacité à exprimer ses opinions, à négocier, à décider et à faire preuve de leadership sont des éléments de valorisation individuelle, il ne fait nul doute que s’affirmer en entreprise est une nécessité.

Pour autant, de quelle dimension parle-t-on ? Comment doit-elle s’exprimer pour être un véritable atout ? Qu’apporte-t-elle à l’individu et à l’équipe ? Peut-on la développer et comment ? Quels facteurs peuvent l’influer favorablement ou non ?

Voici en substance le thème de cet article émaillé de témoignages et conseils pratiques.

Qu’est-ce que l’affirmation de soi ?

Définition

L’affirmation de soi est un style d’interaction, un comportement, que nous adoptons dans nos échanges avec les autres. Il s’agit ainsi de la capacité que l’on a à exprimer ses émotions, ses idées, et à défendre ses intérêts sereinement, tout en respectant ceux des autres.

Pour autant, cette capacité ne dépend pas que de soi mais aussi du contexte. On peut être affirmé·e au sein de mon environnement personnel et, à l’inverse, beaucoup plus effacé·e au travail, en réunion etc. … ou le contraire.

Reconnaître l’affirmation de soi

Une abondante littérature l’associe au charisme, à la capacité de « convaincre en toute circonstance », de « capter l’attention » par une posture, un ton, des mots qui sauront montrer qui l’on est.

Le propos est clair : s’affirmer serait s’imposer face aux autres, d’où la fréquente injonction « mais impose-toi donc ! », certes aussi inutile que dévastatrice.

Être affirmé·e, c’est plutôt s’exprimer avec ouverture, dans une démarche de coopération avec les autres et de partage d’idées et d’arguments.

En effet, l’assertivité nous l’apprend depuis quelques années : inutile de bomber le torse ni parler haut et tranchant pour se faire entendre. L’affirmation de soi peut être « douce », respectueuse, discrète, voire réservée. Cela suppose d’être à l’écoute, d’adapter son discours si nécessaire et d’accepter que l’on puisse être en désaccord sur tel ou tel point.

L’affirmation de soi est ainsi un point intermédiaire entre deux modes de réponse comportementales : la passivité et l’agressivité, basé sur le respect des autres mais aussi de soi.

Mais, est-ce vraiment « soi » que l’on affirme ?

Comme dans les expressions « confiance en soi », « maîtrise de soi », cette idée du soi à développer a quelque chose de dérangeant. Parler d’un « soi », c’est un peu parler d’un tout inaccessible… et finalement de rien. Ou en tout cas de rien d’aidant pour qui en ferait une cible de progrès.

Alors…

Que s’agit-il d’affirmer au juste ?

Affirmatio en latin vient du verbe ad-firmare qui signifie « rendre ferme ».

Que peut-on rendre ferme ? Un propos, une voix, une attitude mais aussi une idée, une position, une décision.

Dans ce cas, nul besoin d’assurance verbale ni de charisme inné mais plutôt d’une pensée déterminée à communiquer. La voix peut alors trembler, les mots s’entrechoquer… Car l’affirmation, le « se faire entendre », peuvent finalement emprunter des chemins de traverse, se faire attendre, comme l’a souvent montré l’Histoire.

Tel ce petit garçon solitaire, d’une timidité maladive et très peureux qui écrit « La poltronnerie allait de pair chez moi avec la réserve. […] Comment pouvais-je être aussi peureux ?« . Devenu grand, habité de convictions à partager, il est tétanisé à la perspective de parler en public : « Il arrivait souvent qu’au moment précis où j’avais réuni le courage nécessaire, on abordait un sujet nouveau. Il en fut ainsi longtemps.« * Il couche alors ses idées sur le papier et les fait lire par d’autres.

Cet homme si réservé, c’est… Gandhi.

Oui, l’affirmation est polymorphe, contextuelle et, de fait, ouverte aux multiples styles de chacun ! Et dans ce cas, il n’y aurait plus tant à s’affirmer qu’à affermir, d’abord dans notre esprit, ce que l’on pense, ce que l’on veut pour affermir – si nécessaire (et ça ne l’est pas toujours !) – notre message.

*Gandhi, Autobiographie ou mes expériences de vérité, Presses universitaires de France, 1998.

Le manque d’affirmation de soi

En manquer n’implique pas toujours un comportement de soumission vis à vis de ses collègues ou de son manager.

Trois comportements ‘refuge’ peuvent en effet révéler une difficulté à s’affirmer en entreprise :

#1 Le comportement agressif : « je m’impose »
Attaquer, mépriser, insulter n’est pas le comportement d’une personne affirmée. C’est l’idée que, pour être pris au sérieux et écouté, la confrontation directe avec ses collègues est nécessaire. En faire trop, s’imposer de manière brutale par les mots ou l’attitude (jugements, attaques personnelles…) témoigne le plus souvent d’un manque d’affirmation de fond.

#2 Le comportement passif : « je m’efface »
La passivité (mutisme, fuite, sacrifice) qui tend à laisser la décision entre les mains d’autrui témoigne également d’un manque d’affirmation de soi, dans un registre comportemental inverse. Cela ne veut pas dire pour autant que la personne qui agit de la sorte n’a rien à dire ou n’a pas les compétences qui lui permettraient d’avoir un avis intéressant à partager.

On rencontre parfois en entreprise des experts qui connaissent tellement de choses dans leur domaine qu’ils se gardent bien d’affirmer quoi que ce soit tellement ils ont conscience de la limite de leurs connaissances, à la différence d’autres qui n’y connaissent pas grand-chose mais s’affirment avec force.

#3 Le comportement manipulateur : « je contourne »
Ne dire qu’une partie des choses, insinuer, faire passer ses idées par quelqu’un d’autre est une autre manière d’éviter l’affrontement par manque d’affirmation. Elle s’accompagne souvent de culpabilisations et de mensonges, de volonté de rester dans le flou par peur du face à face.

Voici quelques témoignages recueillis au fil des échanges qui soulignent l’importance d’une bonne affirmation de soi.

Illustration #1- Depuis le temps qu’elle est là, Laurence a bien des idées mais a du mal à les partager. La dernière fois, en réunion d’équipe, elle n’a pas osé exprimer sa suggestion qui aurait pourtant pu être la solution mettant tous ses collègues d’accord. Depuis, elle regrette de n’avoir rien dit encore une fois. Cela la ronge et elle s’en veut d’être comme cela…

Illustration #2- Quand Giovanni donne des directives, il ne tolère aucune remarque. Connu pour son côté autoritaire et ses coups de gueule, il a déjà “usé” 3 collaborateurs juniors pendant leur période de formation. Même s’il a une vraie expérience du secteur, des clients et des produits, il a l’impression que plus personne ne l’écoute vraiment et ne comprend pas pourquoi.

Illustration #3- En tant que coach bénévole, Sofiane entraine son équipe junior de volley depuis plusieurs années avec passion. Il motive les jeunes, mobilise les parents, recherche des sponsors, anime les réunions par ses blagues et sa bonne humeur mais au boulot, c’est tout autre chose. Il fait ses lignes de code, déjeune seul devant son ordi, n’a pas un mot plus haut que l’autre, … Il n’a jamais osé demander une augmentation (alors qu’il estime en mériter une) et passe pour quelqu’un de sérieux mais effacé. Parfois, il a l’impression de vivre 2 vies en parallèle…

Ces histoires pourraient être déclinées à l’envi et c’est dommage. Car une bonne affirmation de soi en entreprise est bénéfique pour soi-même et pour autres. Voyons en quoi.

Pourquoi est-il important de savoir s’affirmer ?

Les bénéfices d’une bonne affirmation… pour soi

Mieux gérer ses relations interpersonnelles

Parce qu’une bonne affirmation de soi permet d‘exprimer ses besoins et ses opinions avec honnêteté, sans agressivité et en respectant l’autre, elle crée un environnement favorable aux interactions positives.

Outre le fait d’établir des relations au travail plus constructives entre collègues, une bonne affirmation de soi est ainsi bénéfique dans la sphère professionnelle comme personnelle (amis, famille). Elle permet d’améliorer la communication avec ses proches et son entourage en permettant une cohérence entre les différents groupes sociaux.

Améliorer sa confiance en soi et sa posture face aux autres

L’affirmation de soi est en relation directe avec l’estime de soi, car elle permet de défendre ses droits de façon active. En s’affirmant de manière positive, on améliore ses relations avec les autres, ce qui renforce la confiance en soi. Celle-ci nourrit alors l’affirmation de soi, qui nourrit en retour la confiance… en un cercle vertueux.

Diminuer le stress en posant ses limites et en osant dire “non”

Parce que l’affirmation de soi permet des échanges et une communication plus ouverte, elle évite l’accumulation de frustrations et de malentendus.

Le fait de savoir dire “non” lorsque les demandes dépassent nos priorités est nécessaire voire parfois vital. Savoir le faire sans agressivité mais en s’appuyant sur des faits et en proposant, dans la mesure du possible, une solution alternative permet de fixer des limites acceptables pour tous et de réduire le stress, sans s’aliéner son entourage.

Évoluer professionnellement

Les études sont unanimes : une bonne affirmation de soi inspire confiance.

Selon Mc Kinsey, les collaborateurs capables de s’affirmer sont considérés comme des acteurs déterminants dans l’innovation et la prise de décisions. Jugés comme manifestant un leadership naturel, ils sont pressentis comme plus à même de participer au développement de projets stratégiques et d’élargir leurs responsabilités.

Dans le même ordre d’idée, l’Harvard Business Review estime d’après leurs études que les employés affirmés obtiendraient des promotions 30% plus rapidement que leurs autres collègues.

Affirmation de soi et possibilités d’évolution professionnelle seraient ainsi statistiquement corrélés comme l’ont été d’ailleurs, dans des études passées, la taille ou la beauté physique.

Les bénéfices d’une bonne affirmation de soi pour l’entreprise

On l’a dit, une personne affirmée est à même de s’exprimer et de défendre ses idées sans agressivité.

Le fait de pouvoir s’exprimer au sein d’une équipe sans crainte, de manière ouverte, favorise l’innovation des collaborateurs, la prise d’initiative et contribue au développement d’une ambiance de travail apaisée, libérée des éventuelles tensions ou conflits.

Et on le sait, la qualité des relations inter personnelles étant un des critères déterminants de la satisfaction au travail, elle limite de fait le turn-over et permet une meilleure rétention des talents.

Quelques pistes pour s’affirmer au travail

La bonne façon de s’affirmer, c’est-à-dire celle qui permet d’exprimer ses opinions, de verbaliser ses demandes et ses besoins en respectant les limites de l’autre, n’est pas une qualité innée.

Il s’agit plutôt d’une compétence sociale qui peut être entraînée car elle nécessite une prise de conscience et un certain effort. Voici quelques pistes qui permettront à chacun de travailler sur ses capacités à s’affirmer positivement, seul ou avec une aide extérieure.

Se connaître pour comprendre ses blocages et ses croyances limitantes

Identifier les peurs et les freins internes qui empêchent de s’affirmer

L’un des principaux freins est la peur du jugement de l’autre. Cela peut limiter considérablement notre capacité à partager nos réflexions et nos idées avec autrui.

Cette peur peut venir de notre éducation avec des croyances limitantes qui sont parfois insufflées depuis l’enfance : être sage, ne pas se faire remarquer, ne pas faire de vagues, ne pas contredire ses ainés, la hiérarchie, ses parents etc.

Identifier ces croyances contribue à limiter l’impact des stéréotypes sociaux, professionnels et culturels qui peuvent influer sur notre comportement sans que nous le voulions.

Travailler sur l’estime de soi

Identifier ses forces et ses réussites permet le développement de la confiance en soi.

On peut se faire aider d’un coach, faire un bilan ou échanger avec des personnes de confiance pour établir la liste de ses qualités, faire le point sur ses réussites et faire taire les petites voix qui ont tendance à nous dévaloriser.

S’appuyer sur ses points forts

Vous êtes rigoureux·se et aimez la précision ? Pour vous sentir à l’aise lorsque vous émettez votre opinion, vous travaillerez vos dossiers en amont, viendrez avec votre fiche récapitulative, anticiperez la réponse aux potentielles objections… Plus vous vous appuierez ainsi sur vos compétences, plus vous serez reconnue(e) et plus vous vous sentiez à l’aise pour vous affirmer.

Vous êtes bien meilleur·e à l’oral qu’à l’écrit ? Vous noterez vos points clés sur une présentation, soignerez votre accroche et pourrez ainsi faire confiance à vos qualités d’orateur.

Attention toutefois : connaître ses atouts et ses limites, comprendre ses comportements et leurs conséquences dans le quotidien professionnel et travailler dessus peut être un programme au long cours.

Cela se travaille par la connaissance de soi et par le recours à certaines techniques dont voici quelques illustrations.

Développer une communication assertive pour gagner en efficacité dans ses interactions professionnelles

Quand on parle d’affirmation de soi on parle aussi d’assertivité. Comme vu précédemment, cela suppose que l’on exprime ses opinions avec clarté, mais aussi assurance et respect de l’autre. Pour cela, quelques techniques de communication peuvent s’avérer très utiles :

S’exprimer en « je »

C’est l’une des techniques les plus efficaces. Tout en permettant d’exprimer le fond réel de notre pensée, elle permet d’éviter une confrontation frontale avec des collègues par exemple.

Exemple : “J’ai du mal à travailler sous pression et j’ai vraiment besoin pour cela que les deadlines fixées ensemble soient respectées. Penses-tu que tu puisses faire cela ?” est une formulation certainement moins agressive en entreprise que “Tu rends toujours ton travail en retard”.

Sur le fond, l’idée est la même mais la pratique de l’assertivité par la formulation en “je” permet à chacun de parler sans juger ou insister sur la responsabilité de l’autre.

Pratiquer l’écoute active et la reformulation

Le respect de l’autre suppose qu’on l’écoute réellement. L’écoute active et la reformulation de ce qu’il dit permettent de s’assurer qu’on est attentif à lui, dans le moment présent, et que l’on tient compte de ce qui est dit en actant des points clés. C’est également une des bases de l’assertivité.

Affronter les conflits avec calme pour gérer les désaccords et les désamorcer

Faire preuve d’assertivité dans les relations ne veut pas dire qu’il faut éviter tous les conflits. Il faut en revanche s’attacher à rester factuel, concis, et s’efforcer de formuler ses demandes et refus avec bienveillance.

Quand la situation le permet, il est important de pouvoir proposer une alternative ou de rechercher des solutions communes. Gérer les désaccords en s’efforçant de rester constructif et respectueux de l’autre fait avancer considérablement les choses.

Autres aides

Outre des coachings individuels, des formations en groupe peuvent apporter beaucoup. Chacun pourra trouver selon ses besoins des techniques de respiration et relaxation pour gérer le stress, des jeux de rôle, des formations au feedbacks pour progresser rapidement, mais aussi des thématiques plus ciblées comme la formation à la gestion de conflit, à la négociation, aux entretiens difficiles etc.

Les principaux obstacles à l’affirmation de soi

Le premier obstacle est soi-même

Parce que l’on a besoin d’être aimé·e, parce que l’on a peur du jugement des autres, on est soi-même parfois son pire ennemi.

Cela peut venir de traits de caractère visibles dès l’enfance, renforcés ou non par l’éducation qu’on a reçue, la culture dans laquelle on a baigné qui peuvent être également sources de croyances limitantes.

Mais cela vient aussi du souvenir d’expériences malheureuses qui font que l’affirmation de soi n’est pas naturelle quand on est son premier critique.

Pour autant, on l’a dit, la difficulté de s’affirmer ne dépend pas que de soi. L’entourage dans lequel on évolue joue aussi un rôle.

Avoir du mal à s’affirmer dépend également de l’environnement

Un nouveau contexte peut être limitant…

Arriver dans un nouveau poste, une nouvelle entreprise, un nouvel environnement peut jouer sur notre rapport aux autres. L’affirmation de soi que l’on peut manifester quand on maîtrise son sujet ou qu’on a tissé des liens avec les autres peut être mis à mal quand on est transplanté dans un contexte différent dont on ne connait ni les codes ni les alliés.

Mais que dire d’un environnement toxique !

Il existe également parfois des environnements professionnels où le niveau de compétition, l’ambiance de travail ou le comportement du management ruinent les tentatives d’une bonne affirmation de soi. Un seul conseil : si vous le pouvez, changez !

S’appuyer sur les autres

Le rôle des collègues

Rien n’est plus rassurant et positif qu’une bonne entente avec des collègues. Ce n’est pas par hasard qu’un des éléments déterminants du bien-être et de la motivation au travail n’est pas le salaire ou les possibilisé d’évolution mais bien la qualité des relations interpersonnelles et l’ambiance qu’elle procure au quotidien.

Pouvoir compter sur les autres, savoir qu’on a des alliés sur lesquels on peut compter est primordial dans l’affirmation de soi et la gestion des situations difficiles.

Le rôle du manager

Le rôle du manager en matière d’affirmation de soi est double.

Par son exemplarité, il incite les collaborateurs à faire preuve d’assertivité et à adopter une communication plus ouverte et authentique, respectueuse les uns des autres et favorable à l’affirmation de soi. En tant que manager affirmé, il prend des décisions et arbitre mais sait aussi reconnaitre ses erreurs et montrer qu’il peut être lui-même faillible. Il permet ainsi aux membres de son équipe de prendre des initiatives car ils évoluent dans un climat de confiance propice au développement de leur affirmation personnelle.

Par le support personnalisé qu’il donne aux membres de son équipe, il veillera à canaliser un collaborateur trop agressif ou tirant la couverture à soi et confiera des missions qui permettront au collaborateur qui en a besoin de gagner en confiance et de favoriser le développement de son autonomie.

Le rôle de l’entreprise

Plus globalement, la mise en œuvre sur le terrain des valeurs et de la culture affichées de l’entreprise permettra de favoriser une bonne affirmation de soi des collaborateurs.

En privilégiant une communication ouverte, des objectifs SMART, des feedbacks positifs, et une évaluation objective des performances, elle encouragera l’innovation, la prise d’initiative, limitera les tensions et favorisera une culture assertive favorable à l’affirmation de soi.