Définir ce qu’est la cohésion d’équipe, d’où elle vient, ce qu’elle apporte en entreprise, comment la renforcer : voici en substance le défi de cet article, illustré d’expériences psychosociales plus ou moins connues et toujours surprenantes sur la collaboration…
La cohésion d'équipe : fondement et avenir de l’humanité ?
Selon Aristote, “l’homme est un animal social” et Pline l’ancien le qualifie quant à lui de “loup pour l’homme”. Qui a raison ? Les deux mon capitaine.
Car si notre condition humaine nous pousse à nous rassembler et à faire acte de collaboration dans certaines situations, elle nous pousse également à nous affronter – parfois violemment – dans d’autres circonstances. Il en va de même avec la vie d’équipe.
Avant d’aller plus loin sur le sujet, il est important de définir ce qu’est la cohésion d’équipe.
Qu’est-ce que la cohésion d’équipe ?
Définition de la cohésion d’équipe
Selon le psychologue américain S. Schachter, expert et théoricien des sciences cognitives, la cohésion d’équipe est « la totalité des forces qui poussent les membres à rester dans un groupe ».
Également, selon Festinger, Schachter et Back, les liens qui unissent les individus permettent ainsi de créer un collectif, et, autour de celui-ci, un engagement des membres du groupe.
La cohésion d’équipe caractérise ainsi un processus dynamique reflétant la tendance des coéquipiers à rester ensemble et à demeurer unis dans la poursuite de leurs objectifs grâce à leur collaboration.
D’où vient la cohésion d’équipe ?
« Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. » (Proverbe africain).
Et il est certain que si nos ancêtres les plus lointains n’avaient pas coopéré face aux prédateurs, à la faim, au froid et aux menaces de tous poils, la race humaine ne serait plus qu’un lointain souvenir…
Au lieu de cela, grâce à la mutualisation de ses connaissances et de ses forces, l’être humain a pu peu à peu combler ses principaux besoins et ceux du groupe auquel il appartenait.
La théorie de la motivation d’Abraham Maslow conçue dans les années 1940 à travers sa fameuse pyramide l’illustre bien : après avoir comblé ses besoins physiologiques immédiats (respiration, faim, soif, sommeil etc.), et ses besoins en matière de sécurité (abri…), l’être humain s’attache à combler ses besoins d’appartenance (au groupe, au clan, à la famille, à la société…) avant de vouloir combler ses besoins d’estime puis in fine, d’accomplissement de soi.
Le besoin d’appartenance a pris place assez tôt dans l’histoire humaine et il est vraisemblable que la cohésion de groupe ait été assez rapidement le fondement d’une stratégie -consciente ou inconsciente- afin que l’homme en général, et des groupes d’hommes en particulier puissent assurer leur descendance.
Car au-delà de la stricte nécessité vitale de se reproduire, la cohésion d’équipe a des avantages concrets toujours essentiels, y compris dans nos sociétés et nos organisations actuelles.
Les bénéfices d’une cohésion d’équipe en entreprise
Si les qualités individuelles et la diversité des compétences sont essentielles à l’atteinte des objectifs d’un groupe ou d’une entreprise, la collaboration entre les membres d’une équipe, réunis autour de valeurs et d’objectifs communs est toute aussi importante.
Les avantages à renforcer et favoriser une cohésion d’équipe peuvent ainsi se regrouper en 2 grandes familles qui dans l’idéal devraient avancer de front dans toutes les organisations : la performance et la qualité de vie au travail.
La cohésion booste la performance au travail
La cohésion d’équipe a en effet un impact direct sur la productivité et l’efficacité du travail fourni par les collaborateurs. Chacun l’a vécu à travers ses expériences professionnelles et ses activités extra-professionnelles : en partageant des objectifs communs et en communiquant sur ces objectifs, une équipe soudée est beaucoup plus performante et atteint les buts fixés avec nettement moins d’efforts.
Notons qu’il y a une différence notable entre groupe et équipe : un groupe est un ensemble de personnes réunies, alors qu’une équipe est un ensemble de personnes qui partagent des activités et œuvrent pour favoriser l’atteinte d’un objectif collectif.
C’est là un des rôles primordiaux du manager en matière d’efficacité : faire du groupe qu’il a sous sa responsabilité une véritable équipe, autrement dit un groupe de collaborateurs partageant le même objectif et, si l’équipe existait déjà, en renforcer l’esprit.
Maintenir une cohésion d’équipe et la faire vivre au sein de l’entreprise permet en effet d’éviter une dissonance entre les intérêts individuels et collectifs et par là même contribue à la performance globale grâce à leur management.
La cohésion contribue à la qualité de vie au travail
La cohésion d’équipe favorise également la formation d’une ambiance de travail saine, ce qui renforce la confiance et la motivation des collaborateurs.
Un collectif uni et soudé favorise l’entraide, la bienveillance et l’écoute. Les conflits internes s’en trouvent amoindris, chacun étant aligné sur l’objectif et les valeurs communes.
Et on le voit depuis plusieurs années dans la plupart des enquêtes : au-delà du salaire et des perspectives d’évolution, la qualité des relations tant avec les collègues qu’avec son responsable hiérarchique sont des éléments qui influent directement sur le turnover, et permettent de favoriser l’accroissement du niveau général des compétences et d’implication de l’entreprise.
Alors comment développer voire renforcer la cohésion d’équipe et quels sont les facteurs qui la favorisent ?
Les facteurs influant la cohésion d’équipe
Des facteurs d’influence ont été mis en lumière par différentes expériences et par des études réalisées suite à des évènements marquants (ex : attentats, catastrophes). En voici quelques illustrations.
Facteurs d’influence tirés d’expériences psychosociales
L’expérience de la “Caverne des voleurs” de Shérif
L’expérience de psychologie sociale du professeur Abraham Shérif, psychologue américain qui a conçu et supervisé l’expérience de la “Caverne des voleurs” en 1954 est bien connue. Elle a permis d’éclairer à la fois les relations dans le groupe, les relations hors du groupe et les relations intergroupes.
L’expérience : Une vingtaine de jeunes garçons de 11 ans ont été divisés en deux groupes dans un camp en Oklahoma.
Phase 1, formation du groupe : chaque groupe s’est constitué sans savoir que l’autre groupe existait. Ils ont en revanche tissé un sentiment d’appartenance lors d’activités communes et ont notamment été invités à se trouver un nom de baptême, inscrit sur leur drapeau et leur chemise.
Phase 2, tension entre groupes : au bout de quelques jours, ils ont appris l’existence de l’autre groupe sur place et ont été amenés à entrer en compétition à l’occasion d’un tournoi où les deux équipes se mesuraient lors d’épreuves. Des injures ont commencé à fuser sporadiquement et certains ont par exemple refusé de manger dans la même pièce que leurs adversaires.
Phase 3, coopération entre groupes : les membres du groupe ont été invités à résoudre une problématique d’accès à l’eau potable, soi-disant vandalisé par des acteurs extérieurs. Suite à leur gestion du problème en commun, les tensions se sont apaisées et les rapports se sont pacifiés.
Les constats de l’étude : le sentiment d’appartenance à un groupe impacte nos rapports avec ceux qui en sont extérieurs. Le fait en revanche de résoudre ensemble un problème permet à la coopération de dépasser les limites du groupe initial et de favoriser la formation d’un groupe élargi.
L’expérience de “la conformité au travail” de Asch
Le psychologue Solomon Ash a quant à lui démontré le pouvoir du conformisme dans les décisions d’une personne au sein d’un groupe dans une publication de 1951.
L’expérience : des étudiants de Pennsylvanie sont invités à participer à un prétendu test de vision. Assis dans une pièce, chaque membre doit juger, chacun à son tour et à haute voix, la longueur de plusieurs lignes à comparer à une ligne modèle. Tous les participants du groupe sont complices de l’expérimentateur sauf un.
Aux 6 premiers essais, les complices doivent donner la bonne réponse et lors des 12 essais suivants, ils doivent donner unanimement une même fausse réponse. Le sujet “naïf” est placé en avant-dernier, ce qui lui laisse le temps d’ajuster ou non sa réponse en fonction des autres.
Résultat : 35% des sujets naïfs décident de s’aligner sur les réponses erronées des autres participants et 75% se conforment au moins une fois aux fausses mauvaises réponses.
Les constats de l’étude : nous ressentons un tel besoin de nous sentir conformes à la norme du groupe que nous sommes parfois prêts à aller à l’inverse de notre raison (et de notre confiance en nous) pour ne pas risquer de nous isoler.
Les expériences psychosociales sont nombreuses. De manière plus anecdotique, des études ont montré l’influence de la musique sur la cohésion de groupe (2018), tandis que d’autres ont mis en lumière l’impact favorable de la communication via les réseaux sociaux en dehors des entraînements au sein d’équipes sportives (2019) pour les “booster” favorablement lors des épreuves, tandis que d’autres ont prouvé l’importance de rituels de groupe (ex : cris, petite chorégraphie, slogan) pour renforcer la cohésion, la confiance et par là même les performances des équipes (2020).
Facteurs d’influence tirés de l’étude d’évènements majeurs
D’autres facteurs influent plus fortement sur la cohésion d’équipe. Au-delà des expériences psychosociales, des constations étonnantes sont apparues suite à des études entreprises après des catastrophes comme les attentats du world Trade center, du Bataclan ou du métro de Londres. En ce sens, le dossier du magazine Cerveau et psycho n°160 intitulé “Nés pour s’entraider” met en perspective la cohésion et l’entraide à travers des articles passionnants.
L’étude du CNRS suite aux attentats du Bataclan
L’étude menée auprès de 32 membres survivants a montré que pour 1 acte non supportif (ex : bousculer ou piétiner quelqu’un pour sortir) 3 étaient supportifs (ex : aider un blessé à s’échapper, donner une information sur les agresseurs au risque de se faire repérer, attendre son tour pour s’échapper du toit). Les comportements d’entraide ont ainsi été 3 fois plus nombreux que les comportements de survie individuelle.
D’autres études suite aux attentats du World Trade Center et du métro de Londres de 2005
L’analyse des comportements des personnes qui se sont retrouvées dans ces situations extrêmes montre qu’une grande majorité d’entre elles ont plutôt fait preuve de coopération pour évacuer dans le calme et d’aide pour les personnes coincées dans les décombres par exemple.
Les enseignements de ces situations
- Les facteurs influant sur ce comportement sont la proximité du danger (plus on est proche, moins on est supportif) et la possibilité de se sauver (plus on a une échappatoire possible, moins on est supportif).
- En cas de menace vitale, les comportements de coopération peuvent prendre le dessus sur la peur du danger pour développer une entraide spontanée. Et lorsque la situation paraît vraiment désespérée, il peut y avoir un réflexe de faire bloc pour maximiser les chances de survie en faisant appel au collectif.
- La lutte pour la survie existe donc mais elle n’est pas tant individuelle que collective. On se bat plus souvent qu’on ne pense pour le groupe et non pour soi.
- S’ajoutent bien sûr à cela des facteurs d’influence des normes sociales et de sentiment d’appartenance à un groupe.
Nous ne sommes heureusement que rarement (voire jamais) dans des situations de catastrophe et d’urgence vitale.
Alors pourquoi coopérons-nous ?
Un réflexe naturel et inné
Il y a d’abord semble-t-il une raison physiologique : la science montre que, dès l’âge de 18 mois, les enfants manifestent des comportements spontanés d’entraide. Le cerveau serait configuré pour coopérer, ce qui a permis notre survie au fil des siècles, et notamment face au danger.
La coopération conditionnelle
Une autre notion passionnante est celle de l’influence de la coopération conditionnelle : les travaux de Jean-Baptiste André et de Nicolas Baumard montrent que si une personne coopère en situation critique, elle sera plus à même d’être aidée par la suite.
De plus en plus de psychologues sociaux adhèrent ainsi à l’idée que l’être humain est un coopérateur conditionnel (cf. les publications de Jacques Lecomte, docteur en psychologie et expert de la psychologie positive).
Le monde serait constitué majoritairement de coopérateurs conditionnels, autrement dit de personnes qui acceptent de jouer le jeu de collectif, à condition de ne pas être les seules. Les autres catégories de l’humanité – en moindre proportion – étant des “altruistes purs” (je fais sans contrepartie) et des “passagers clandestins” (je profite sans vouloir contribuer).
Cette caractéristique est selon les chercheurs cohérente avec l’évolution de l’espèce humaine : les membres qui ne collaboraient pas à l’effort commun (activités de chasse, de cueillette, de défense) auraient été au bout du compte sanctionnés par le groupe, au risque de ne plus avoir leur place dans la tribu.
Cela ne veut pas dire que certains ne profitent pas du système en toute impunité. Dans certains régimes, des personnes jouent abusivement de privilèges -de manière ouverte ou plus dissimulée- ce qui réduit l’engagement des autres membres de la communauté dès lors que cela se sait.
Pour autant, comme nous sommes biologiquement prédisposés à être des coopérateurs, ces cas sont limités… mais également de plus en plus révélés, à un moment ou à un autre. Et comme on parle plus de ce qui va mal que de ce qui va bien, notre réalité est parfois biaisée.
Pourtant, les exemples de coopération et d’aide sans contrepartie sont nombreux, même s’ils ne sont pas toujours sur le devant de la scène. Ils sont en effet soit presque anodins (exemple : aider une personne à hisser son bagage en hauteur dans le train), soit bien plus engageants (exemples : cacher un résistant, donner anonymement ses ovocytes, etc.) mais considérés comme un devoir « normal » sur lequel il ne convient pas de s’épandre.
À noter que 3 philosophies morales peuvent expliquer ce comportement de cohésion de groupe : parce qu’on est bon (l’éthique de vertu d’Aristote), parce qu’on veut la justice (Kant), parce que qu’on veut soulager la souffrance d’autrui (sollicitude de Carol Gilligan).
Cette précision faite, revenons au monde de l’entreprise en nous attachant à donner des pistes pour favoriser la cohésion d’équipe.
Comment renforcer et maintenir la cohésion d’équipe ?
On l’a vu, les facteurs influençant la cohésion d’équipe sont nombreux, même si la menace externe joue un rôle majeur.
On a parlé de l’importance d’un objectif commun à court et moyen terme auquel on peut associer l’établissement et la communication de valeurs communes à travers une culture d’entreprise qui jouerait le rôle de référentiel commun.
D’autres actions concrètes peuvent être facilement mises en œuvre au sein d’une organisation auprès des collaborateurs :
- S’assurer que les équipes restent à taille humaine, quitte à revoir leur composition
- Co-construire au moins un objectif d’équipe que les collaborateurs seront fiers d’atteindre ensemble
- Permettre au management d’instaurer des rituels comme le café du matin ou l’afterwork où les collaborateurs se retrouvent après le travail ou lors d’une activité
- Mettre en place des évènements plus formels pour célébrer les succès de l’équipe dans son ensemble. Cela passe par la réunion d’équipe périodique avec le management, la communication via des town hall annuels ou biannuels pour partager les avancées, le team building ou le séminaire pour accompagner tel ou tel projet ou telle ou telle performance. On peut piloter ensemble un bateau, faire un voyage ou se dépasser en équipe lors de tournois, d’activités inédites ou de divers escape game. On peut aussi, plus simplement, partager des moments conviviaux réguliers, dédier un temps, lors des réunions, à des activités plus ludiques etc. Tout ceci aide à construire une expérience commune qui resserre les liens et favorise la collaboration future au-delà des simples échanges professionnels.
- Travailler sur l’interdisciplinarité : les équipes projet avec des collaborateurs de différentes spécialités, les formations regroupant des membres de différents services dans une même salle, les “vis ma vie” pour connaître les activités, les contraintes et le métier de l’autre etc. peuvent être intéressants pour développer la cohésion.
- Utiliser toutes les occasions pour favoriser le travail à plusieurs : proposer des projets communs stimulants, du travail en binômes, des défis d’équipe est aussi un bon moyen pour “forcer” un peu le destin. On peut également mettre en place et valoriser du mentorat croisé, notamment intergénérationnel, proposer des ateliers de résolution de problèmes, partage de pratiques (par exemple du co-développement).
- Veiller à la formation des managers (et pas seulement de proximité) à la communication, à l’équité, au feedback positif et à l’exemplarité vis à vis des collaborateurs.
- Développer la communication interne à travers de réseaux sociaux d’entreprise ou des intranets (pour collaborer sur des projets), de la communication dynamique, des sondages internes, des newsletters…
Bien sûr, tout cela n’a de sens et d’effet que si l’on garantit, au sein de l’équipe, la sécurité psychologique de chacun. Zéro tolérance à l’égard des moqueries, discriminations, rivalités etc.
La cohésion s’appuie aussi en effet, au travail, sur un cadre clair pour tous et respecté.
En conclusion
On l’a vu, la cohésion d’équipe est un des piliers de l’efficacité et du plaisir à travailler ensemble. La développer et la maintenir est donc un challenge de taille dans une société où le travail hybride, les incertitudes politiques et économiques et les évolutions de notre relation au travail nous poussent à devoir être inventifs pour garder ce bien précieux inscrit dans notre ADN.
La formation « Renforcer la cohésion d’équipe » du Gymnase du Management
Le Gymnase du Management propose des formations, en présentiel ou à distance, pour aider les managers à installer ou à renforcer la cohésion au sein de leurs équipes.
La formation s’appuie notamment sur :
- L’apport synthétique de matière théorique pour comprendre les sources et l’enjeu de la coopération
- Le modèle des 6 boîtes de Marvin Weisbord, particulièrement utile pour analyser la cohésion, l’efficacité d’une équipe et se donner des pistes d’amélioration.
- Des exercices pratiques, très interactifs, ciblés sur les situations rencontrées par les participants tels qu’un World café des bonnes pratiques, des ateliers d’expérimentations croisées, l’observation de courtes vidéos, des études de cas et jeux de rôles etc.
Notre conviction : la coopération, à l’intérieur et à l’extérieur de l’équipe n’est pas toujours parfaitement naturelle et le manager est un agent moteur essentiel de cette dynamique !
Si vous voulez en savoir plus sur le programme, la durée, les modalités… Contactez-nous !
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