Le conflit fait partie de la vie ! Qu’on le vive ou qu’on l’observe, il surprend, gêne, agace, blesse, génère des tensions… Bref, il est la promesse de conséquences négatives sur le bien-être et l’efficacité de chacun. Mais tous les conflits auxquels on assiste méritent-ils qu’on intervienne systématiquement ? Est-ce toujours utile ? A vrai dire, pas de réponse miracle. Mais une réflexion, proposée par Amadou Hampaté Bâ à travers un conte peul : « la querelle des deux lézards »…
Comment gérer un conflit entre deux collaborateurs ?
Le conte peul de la querelle des deux lézards
Il y a bien longtemps, au temps où les hommes et les animaux parlaient la même langue, un chef de famille vivait avec sa veille maman, son chien, son bœuf, son bouc, son cheval et son coq. Un jour, il doit s’absenter. Il recommande à son chien : « veille sur ma mère, ne quitte pas le seuil de sa porte, et si tu as besoin d’aide, appelle les autres animaux ». Et il part.
Quelques jours se passent sans incident. Un matin, le chien entend un drôle de bruit dans la case : deux lézards au plafond se disputent le cadavre d’une mouche. Le chien voudrait intervenir mais il ne peut quitter sa place. Il appelle à la rescousse, le coq, qui fait fi de sa demande. De même pour le bouc, le cheval et le bœuf. Tous estiment la chose de peu d’importance et indigne de leur faire perdre leur temps. Le chien leur dit pourtant : « il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ».
Pendant se temps, les lézards continuent à se battre, tant et si bien que l’un des deux tombe sur la lampe à huile, qui met le feu au lit de la veille maman. Un terrible incendie se déclare. Les voisins sauvent de justesse la dame, mais elle est toute brûlée.
On envoie vite un enfant sur le dos du cheval pour prévenir son fils au village voisin. Il court, galope toute la journée, sans jamais laisser le cheval reprendre son souffle ! Prévenu, le fils enfourche la monture sans faire cas de sa fatigue et revient vite à la maison. Le cheval est fourbu. Il meurt d‘épuisement.
« Ah, dit-il au chien, j’aurais du t’écouter et séparer les deux lézards ! » .
« Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ».
Pour guérir la vieille dame, le Marabout recommande de l’enduire de sang de coq. On sacrifie le coq ! Avant de mourir, le coq dit au chien : « tu avais raison, j’aurais du intervenir tant qu’il était temps ! » « Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ».
Malheureusement, la vielle dame ne survit pas à ses brûlures. A ses funérailles, comme le veut la coutume, on sacrifie le bouc. Le bouc, en passant près du chien lui dit : « comme je regrette de ne pas avoir fait le nécessaire ! » « Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ».
Quarante jours après l’enterrement, une cérémonie rassemble tout le village et les habitants des villages voisins, c’est la tradition. Pour nourrir tout ce monde, le fils tue le bœuf et les femmes préparent un grand festin. Avant de mourir, le bœuf dit au chien : « si j’avais su…j’aurais séparé les lézards… »
« Je te l’avais dit, dit le chien, il n’y a pas de petite querelle, comme il n’y a pas de petit incendie ». Et le chien reçoit sa part du festin.
Ainsi, à cause d’une modeste querelle de deux lézards se disputant une mouche morte, querelle, dont personne ne voulut s’occuper, il en résulta un incendie, la triste fin des animaux, et la disparition de la veille dame…
La morale de la querelle des deux lézards
En 1969, Amadou Hampâté Bâ a conté cette histoire au Conseil exécutif de l’Unesco à propos du conflit arabo-israélien pour faire prendre conscience à chacun des dangers de telles situations : négliger un conflit, quel qu’ il soit, peut contribuer à l’envenimer.
A fortiori en entreprise…
Auteur : Amadou Hampâté Bâ
Ecrivain et homme politique africain. 1901 (Mali) – 1991 (Côte d’ivoire) La querelle des deux lézards et autres contes africains, Edition présentée, annotée et commentée par Cécile Pellissier. Éditeur : Larousse, Paris. Collection : Petits classiques Larousse Les contemporains, classiques de demain
Pour aller plus loin :
Découvrez l’histoire racontée en vidéo par l’un de nos coachs tuteurs
Découvrez notre article sur la conduite du changement