Conduite du changement : la résistance est-elle bien celle que l’on croit ?

Des pistes pour dépasser la résistance au changement et embarquer les équipes dans un projet de transformation.

Conduite du changement : la résistance est-elle bien celle que l’on croit ?

La conduite du changement : un sujet qui fait couler beaucoup d’encre – notamment lorsque l’on parle de résistance, alors même que, nous le savons, l’impermanence dirige nos vies 😊.

Voyons dans cet article ce qui peut créer cette résistance au changement et comment la dépasser.

Un manager conduisant un changement dans l'entreprise avec son équipe

Nous avons tous en tête des changements, en entreprise, qui peinent à se lancer, à produire l’effet attendu et qui, parfois, créent un climat de travail délétère, des tensions avec et entre les collaborateurs, des oppositions voire des conflits ouverts.

Pourtant, la transformation visée par l’organisation est bien annoncée comme essentielle, inéluctable et porteuse d’avenir !

Mieux encore, parfaitement consciente des enjeux, toute entreprise qui se transforme mobilise son management dans l’accompagnement, autour des 8 grandes étapes de la conduite du changement.

Les 8 étapes de Kotter pour conduire le changement

John Paul Kotter, professeur à la Harvard Business School, spécialisé dans le leadership et la conduite du changement, nous décrit 8 étapes pour réussir un projet de transformation :

  • Créer un sentiment d’urgence afin que la transformation soit perçue comme incontournable, vitale, qu’elle devienne le projet prioritaire pour tous les collaborateurs.
  • Bâtir une stratégie de coalition, c’est-à-dire identifier des alliés qui, notamment dans la phase de transition, seront des ambassadeurs et joueront un rôle clé dans la réussite du projet. Une cartographie des parties prenantes permet d’identifier les forces mobilisées dans le changement et les freins à lever.
  • Développer une vision et une stratégie pour que le changement réponde à un cap clair, moteur, et qu’il ait du sens pour l’équipe.
  • Communiquer la vision du changement afin que les collaborateurs comprennent l’évolution de l’entreprise, le projet à mener, l’objectif à atteindre, le plan d’action.
  • Responsabiliser, créer une cohésion des équipes autour des nouvelles façons de s’organiser, de travailler, miser sur l’intelligence collective dans la gestion des projets.
  • Générer rapidement des résultats : c’est ce que l’on appelle les « quick win » qui encouragent et motivent dans la poursuite des objectifs.
  • Consolider le succès, en instituant par exemple des temps de retours d’expériences pour échanger sur ce qui avance comme prévu et ce qui bloque.
  • Ancrer les nouvelles pratiques pour qu’elles deviennent la norme, s’inscrivent dans la durée.

Alors puisque le processus semble bien huilé, où est le problème ?

Dans la résistance au changement nous dit-on !

Mais est-ce si sûr ? Et qu’entend-on par là ?

Y a-t-il une réelle résistance au changement ?

On lit dans la plupart des communications « l’homme au cœur de la transformation » ! Au-delà de la belle formule, qu’en est-il, sur le terrain ?

Considérer l’homme « au cœur », cela signifierait pratiquer le crédit de bonne intention : l’individu est prêt à accepter de nouvelles voies et à coopérer si l’on crée les conditions qui le lui permettent.

Or, partir du principe qu’il va résister, c’est déjà lui faire porter la responsabilité d’un éventuel échec et c’est aussi aiguiser ses armes pour se préparer au combat. On risque l’effet de prophétie autoréalisatrice !

Une enquête Ifop pour l’Opinion et Zurich Insurance Group, menée fin 2022, est à ce titre particulièrement intéressante : à la question « lorsque vous entendez parler de la transformation des entreprises, quels sont les mots, parmi la liste suivante (mots positifs et mots négatifs) qui traduisent le mieux votre état d’esprit et vos réactions ? ».

On pourrait s’attendre à une majorité de réponses telles que « rejet », « méfiance ». Ce sont pourtant les mots « opportunité« , « énergie » qui sont cités le plus souvent (27%) par des sondés et les mots positifs représentent 69% des réponses contre 43% pour les mots négatifs (total supérieur à 100, les sondés pouvant donner 3 réponses).

Le crédit de bonne intention, c’est aussi :

  • Accepter qu’en tant qu’être humain conditionné à lutter pour son équilibre, sa survie, l’individu veut ce qui est le mieux pour lui.
  • Reconnaître que ce sur quoi l’on veut son adhésion n’est peut-être pas « le mieux pour lui » ou pas tout de suite. Il a donc tout intérêt à défendre son existant.

L’entreprise, les managers doivent entendre ce réflexe de survie à l’œuvre dès les premières annonces de changement.

Pas entendre avec un « oui mais » déjà sur les lèvres… mais entendre vraiment pour que l’avenir devienne progressivement acceptable, voire prometteur.

Le « soyez contents de changer ! » crée la résistance !

On vient de le voir, les résistances sont humaines et naturelles face à une situation vue comme potentiellement inconfortable voire dangereuse.

La résistance n’est pas de l’immobilisme mais un appel à l’aide et est produite par notre volonté de convaincre rapidement, de vendre, voire de sur-vendre le changement.

Le problème n’est donc pas tant dans la résistance au changement que dans notre difficulté à lui faire face. Notre regard, nos a priori, notre empressement nous rendent résistants à la résistance. 😊

Faisons un bref détour introspectif ! Vous reconnaissez-vous dans certaines de ces affirmations ?

  • Les gens ne comprennent pas que l’on n’a pas le choix ou que les changements sont positifs. Ils sont étroits d’esprit.
  • Les équipes se réfèrent toujours à « avant » alors que le monde change.
  • Il faut répéter sans cesse la même chose, c’est usant !
  • Les collaborateurs voudraient qu’on les rassure sur l’avenir, mais c’est impossible.
  • Il faut être un expert en communication pour mobiliser les équipes, c’est fatiguant !
  • Je me sens attaqué⸱e personnellement alors que je subis aussi le changement.
  • Les craintes, le stress des autres me mettent mal à l’aise.

Être déstabilisé⸱e par les oppositions, les réticences des collaborateurs est tout à fait légitime : on veut que le processus de transformation suive les étapes planifiées, que la mise en œuvre du changement soit effective et les obstacles rencontrés dans la démarche nous contrarient 😊.

Comment prendre de la hauteur et s’installer dans une dynamique plus productive et plus facile à vivre pour tout le monde ?

2 pistes pour embarquer les équipes

Les formateurs du Gymnase mettent l’accent sur ces 2 pistes clés :

  • Comprendre les mobiles de la résistance au changement
  • Incarner soi-même le changement.

➤ Comprendre les mobiles de la résistance au changement

4 facteurs à l’origine de la résistance au changement

Les travaux de Kotter&Schlesinger, Kanter et Torben Rick soulignent 4 facteurs qui concourent à la résistance au changement :

  • La méconnaissance et l’absence de sens du changement
    • Méconnaissance des intentions (« pourquoi changer ou pourquoi encore ? »)
    • Incompréhension du besoin de changer (pratiques actuelles jugées efficaces, adaptées), des enjeux
    • Évaluation du modèle et du processus de changement différente de celle des managers
    • Manque d’information quant aux étapes, actions futures
  • Le manque de confiance dans l’avenir, l’entreprise ou les dirigeants
    • Sentiment de ne pas être considéré
    • Perception du changement comme vain ou visant à ne servir que les intérêts des actionnaires, des dirigeants
    • Défiance à l’égard des choix de la direction, du management
  • Le sentiment de dévalorisation
    • Sentiment d’avoir mal fait jusqu’à présent, démérité, que le travail n’est pas reconnu, que notre place est déconsidérée
    • Frustration ou colère de ne pas avoir été consulté(s) en amont
  • L’anxiété, la peur, la fatigue
    • Peur de ne pas être capable d’apprendre, de développer les compétences et pratiques attendues, de ne pas s’adapter aux nouveaux outils, de ne pas recevoir la formation adaptée
    • Perte de repères, du confort, d’un équilibre jusque-là rassurants
    • Épuisement et saturation liés à des changements constants au sein de l’organisation

Les biais cognitifs s’en mêlent aussi…

Selon Daniel Kahneman, psychologue et économiste américano-israélien, professeur à l’université de Princeton, lauréat du « prix Nobel d’économie » en 2002 : « la plupart d’entre nous voit le monde comme plus inoffensif qu’il n’est réellement, nos propres traits de personnalité plus favorables qu’ils ne sont vraiment… ».

Il est parfois difficile, voire impossible, de percevoir la nécessité d’un changement tant que la situation immédiate ne l’impose pas. L’individu a tendance à sous-estimer les risques. C’est parfois une bonne raison de ne pas changer !

Les entreprises, les managers ont donc à avoir en tête :

  • Un frein a toujours sa raison d’être : c’est en s’opposant aux résistances qu’on les renforce.
  • Un frein exprime toujours un objectif : il est donc aussi un moteur.
  • Lorsque qu’un individu résiste au changement, c’est aussi à la personne qui veut le faire changer (le manager notamment) qu’il résiste.

D’où l’intérêt de faire de ces freins un véritable outil de réflexion.

➤ Incarner soi-même le changement

La conduite du changement, pour l’entreprise et pour le manager, demande de combattre un réflexe naturel. Celui de convaincre, d’insister, de pousser, d’exercer une pression pour que le mouvement s’enclenche.

Or, comme l’explique Kurt Lewin, la force de la pression pour faire changer nous revient, tel un ressort qui nous saute à la figure avec la même intensité.

Il s’agit donc, au contraire, d’absorber la force de la résistance, d’en faire un levier, de ne pas résister soi-même à la résistance au changement !

Concrètement, cela passe par :

  • Prendre le temps d’expliquer vraiment sans attendre d’adhésion immédiate
  • Lutter contre la tentation du « positif à tout prix » : s’attarder sur l’impact réel et perçu
  • Accorder de l’importance à la nécessaire appropriation du changement par les collaborateurs

Détaillons.

Prendre le temps d’expliquer vraiment sans attendre d’adhésion immédiate

On pense que les salariés sont tous conscients de l’évolution du marché, de la concurrence, des attentes des clients… pas sûr ! Dédier du temps aux explications, laisser mûrir les réflexions et les questions est essentiel, et ce de façon interactive, qualitative, pas seulement descendante et chiffrée.

C’est le cercle d’or de Simon Sinek : parlons d’abord du pourquoi avant de se lancer tête baissée dans le quoi et le comment.

Les échanges avec l’équipe peuvent s’articuler autour de questions comme celles-ci :

  • Pourquoi existe-t-on aujourd’hui ? Et demain ?
  • Pourquoi changer ?
    À quoi veut-on arriver ? Qu’est-ce que cela crée, préserve, développe ou renforce ?
  • Quels risques sinon ?
  • À quoi voulons-nous être utiles ?
  • Qu’aurons-nous apporté (entreprise, équipe, chacun de nous) ?

Et il ne s’agit pas seulement de donner du sens mais de le faire émerger, à partir d’informations claires et synthétiques, chez chaque collaborateur, chaque équipe.

Lutter contre la tentation du « positif à tout prix » : s’attarder sur l’impact réel et perçu

Sans une compréhension claire de l’impact des changements, on se fie aux rumeurs ou l’on se forge ses propres interprétations, confuses et souvent erronées, sombres.

Une question clé au centre des échanges : quels impacts pour l’équipe et pour chaque collaborateur, individuellement ?

Que vont-ils perdre dans un premier temps et/ou dans la durée ? Quels efforts l’étape de transition va-t-elle demander ?

Rien de pire que de gommer les difficultés à venir : personne n’y croit et la confiance est rompue, risquant de jeter le discrédit sur toute la démarche.

À l’inverse, un discours qui n’a pas peur de la transparence se fera mieux entendre et rassemblera autour de ces questions :

  • Pourquoi les collaborateurs doivent-ils mobiliser du temps, des efforts pour s’engager dans ce changement ?
  • Que vont-ils y gagner (travail plus facile ? Meilleures conditions d’exercice de leur métier ? Position de l’entreprise renforcée et donc meilleures perspectives de sauvegarde de l’emploi ? Plus d’argent ?…) ?

Les efforts qui vont être demandés lors de la phase de transition doivent avoir une raison d’être pour eux.

Il s’agit finalement de considérer les salariés comme des clients internes, de les amener à exprimer leur vision, leurs craintes, leur éventuelle colère. Les réponses apportées ensuite n’en seront que plus adaptées et entendues.

Scott Keller and Carolyn Aiken, de McKinsey & Company, l’ont souligné il y a plusieurs années : « des dirigeants bien intentionnés investissent beaucoup de temps » – lorsqu’il le font – « pour communiquer leur histoire du changement, avec différents outils de communication tous plus impressionnants les uns que les autres, mais la vérité dérangeante est que la plus grande partie de l’énergie dépensée à vouloir communiquer serait bien plus efficace si on la passait à écouter, au lieu de parler ».

Accorder de l’importance à la nécessaire appropriation du changement par les collaborateurs

La voie royale de l’appropriation d’un changement ? L’expérience, l’action.

Le changement reste abstrait, théorique, tant que l’individu n’est pas lancé dans l’action. La conduite du changement gagne en efficacité quand elle s’appuie sur l’adhésion aux actes plus qu’aux idées.

Cela incite à beaucoup moins de discours, de slides PPT et à un fonctionnement par paliers qui donne raison à la méthode des petits pas.

On amène les individus à expérimenter, à se dire « en effet, pourquoi pas ? », à remplacer les peurs, regrets, par des émotions plus stimulantes.

L’appropriation passe aussi par le sentiment de contrôle : quand les collaborateurs ont l’impression d’avoir un certain contrôle sur le processus de changement, qu’ils peuvent influencer telle ou telle option, des conditions de réalisation, ils sont plus enclins à se lancer.

C’est ainsi qu’ils deviennent vraiment les acteurs du changement.

En conclusion

C’est bien l’engagement dans une nouvelle action qui matérialise le changement et, de fait, l’adhésion !

Bien sûr, l’entreprise pourrait conduire un changement sans viser l’adhésion mais cela s’appellerait-il encore du management ?

Pour aller plus loin : découvrez 3 de nos formations

 

▸ Formation Conduite du changement : embarquer les équipes pour accompagner le manager et le faire monter en compétences dans la conduite de changement.

 

▸ Formation Asseoir sa légitimité de manager avec méthodes et outils pour renforcer son leadership et son exemplarité, afin de faire adhérer, entraîner l’équipe.

 

▸ Formation Manager par la communication positive et non violente pour adopter les bons réflexes en matière d’assertivité, écoute et bienveillance.

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