L’humilité au travail : atout ou faiblesse ?

Faire preuve d’humilité au travail en tant que collaborateur ou manager d’équipe est-il une mode, un véritable atout ou bien un risque ?

L’humilité au travail : atout ou faiblesse ?

On voit fleurir ces derniers temps des articles valorisant l’humilité au travail, dans la droite ligne des soft skills et valeurs ultra valorisées aujourd’hui comme la bienveillance, l’écoute et l’empathie.

Pour autant, faire preuve d’humilité au travail en tant que contributeur individuel ou manager d’équipe est-il une mode, un véritable atout ou bien un risque ?

C’est là tout l’enjeu de cet article qui va décortiquer ce qu’est l’humilité, sa différence avec la modestie, ses manifestations visibles dans un environnement professionnel, ses avantages mais aussi ses limites, et ce, que l’on soit collaborateur ou dans un rôle de leadership.

Le tout sera illustré d’exemples et d’anecdotes et, en tant que Gymnase, nous sommes certains – en toute humilité (!) – que vous serez au top sur le sujet.

Faire preuve d'humilité au travail

Image créée avec l’intelligence artificielle

Qu’est-ce que l’humilité au travail ?

Quelques exemples d’humilité pour commencer

Moussa, 29 ans, nouveau chef d’équipe en grande distribution, lors de sa 1ère réunion de groupe :
“Bon les gars, je ne vais pas faire un discours. Vous me connaissez, je suis quelqu’un de terrain. Je n’ai pas de diplôme de chef mais le travail que vous faites, je l’ai fait et c’est mon meilleur atout, car je sais de quoi on parle. Je ne sais pas pourquoi les dirigeants m’ont choisi comme team-leader, peut être que l’un d’entre vous aurait été mieux à cette place, mais en tout cas, je vais faire de mon mieux. Alors je compte sur vous et sachez que vous pouvez compter sur moi comme avant.”

Laurence, 35 ans, commerciale en cosmétologie :
“C’est un produit assez courant mais il fait partie des articles de base que chacun a chez soi. Alors oui, on a beaucoup de concurrents qui vendent des produits similaires, souvent moins chers, mais nous – je croise les doigts – on le fabrique en France depuis toujours avec le même niveau de qualité. Alors, je continue ?”

Que pensez-vous de ces exemples ? Cela vous donne-t-il envie de travailler avec Moussa ou d’établir un partenariat avec l’entreprise de Laurence ? Vous êtes partagé·e ? Normal. Dans ce monde aux promesses incroyables, il n’est pas évident de faire confiance à un manager ou à un commercial qui fait preuve d’humilité. Cela rassure d’un certain côté et inquiète de l’autre. Un manager ne doit-il pas avoir des compétences supérieures aux miennes ? Un vendeur ne doit-il pas me promettre la jeunesse éternelle à un coût abordable pour que j’espère avoir une ride en moins ?

Une première définition de l’humilité

D’après le Larousse, l’humilité est “un sentiment, l’état d’esprit de quelqu’un qui a conscience de ses insuffisances, de ses faiblesses et est porté à rabaisser ses propres mérites”.

C’est aussi, d’après le Robert, “le sentiment de sa propre insuffisance qui pousse à réprimer tout mouvement d’orgueil”.

Dans ces définitions, on parle de sentiment de soi. Et en effet, l’humilité est une qualité de caractère qui implique une perception réaliste de soi-même. Elle n’est ni de la faiblesse, ni un manque de confiance, mais plutôt une compréhension précise de sa valeur, de ses propres limites et qualités.

Comme disait Confucius, “ce qu’on sait, savoir qu’on le sait ; ce qu’on ne sait pas, savoir qu’on ne le sait pas : c’est savoir véritablement.”

Il y a ainsi de la force à savoir ce que l’on vaut vraiment et à pouvoir l’exprimer.

Mais quelle est la différence entre Humilité et Modestie, cette dernière étant presque toujours érigée en qualité à la différence de l’humilité ?

Humilité et Modestie : l’inter et l’intra

Synonymes pour certains, humilité et modestie se distinguent quand on se réfère à leur dimension interpersonnelle et intrapersonnelle.

En effet, la modestie interpersonnelle est celle que l’on manifeste vis à vis des autres, souvent pour éviter la jalousie ou l’envie. Or une personne narcissique peut très bien se comporter avec modestie de manière instrumentale dans le cadre d’une stratégie sociale, sans pour autant être fondamentalement modeste : je suis modeste car je ne veux pas me faire remarquer ou jalouser du fait de ce que je suis et/ou de ce que je possède mais j’ai pour autant une haute opinion de moi-même.

L’humilité en revanche se manifesterait à la fois dans les échanges interpersonnels et dans la connaissance objective que l’on a de soi (modestie intrapersonnelle). Ainsi, je suis modeste dans mes échanges et la perception que j’ai de moi est juste : je connais mes limites, je sais reconnaitre mes erreurs et je suis peu centré·e sur moi.

La modestie serait donc plutôt extérieure jusqu’à être, dans certains cas, instrumentale ou superficielle, relevant davantage des bonnes manières ou de la stratégie que d’une profonde conviction. Alors que l’humilité, en s’appuyant sur ses dimensions à la fois inter et intra personnelle serait une caractéristique individuelle solidement ancrée.

Fermons la parenthèse. Si cette différence est intéressante en psychologie sociale, nous utiliserons indifféremment les deux termes pour plus de simplicité dans la suite de cet article. Car il s’agit maintenant de savoir comment se manifeste l’humilité au travail.

Reconnaître les marques de l’humilité en entreprise

Que l’on soit collaborateur ou manager, faire preuve d’humilité c’est avoir des postures et des comportements reconnaissables dans son environnement de travail :

  • L’écoute et la parole juste
  • La capacité à apprendre de ses erreurs
  • L’acceptation des suggestions et des feedbacks des autres
  • La reconnaissance du travail et de la contribution des autres
  • L’acceptation des difficultés et la résilience
  • La volonté de s’améliorer en continu

Détaillons.

L’écoute et la parole juste
Dans le milieu professionnel, regardez les gens qui ne vous coupent pas la parole et qui vous écoutent vraiment. Ce sont des personnes qui tiendront compte de votre avis – ce qui ne veut pas dire qu’ils seront toujours d’accord avec vous – mais ils sont réellement à l’écoute ce que vous exprimez et l’intègrent dans leur réflexion. La personne humble écoute donc, et s’exprime à bon escient. Elle se plaint peu et parle rarement pour ne rien dire. Ses interventions sont justes et constructives, le plus souvent exprimées avec diplomatie, sans pour autant se laisser marcher sur les pieds.

La capacité à apprendre de ses erreurs

L’humilité suppose la volonté de se regarder en face, la capacité à porter un regard juste sur soi-même, y compris lors des échecs. Les personnes humbles valorisent les erreurs pour les enseignements qu’elles peuvent en tirer, ce qui leur donne un réel avantage. C’est un signe de maturité professionnelle que d’admettre et de reconnaître ses erreurs sans chercher à les dissimuler. Le manager ou collaborateur sait ainsi prendre ses responsabilités en cas d’échec sans se défausser, ce qui est essentiel pour renforcer la confiance et le respect mutuel.

C’est un signe de maturité professionnelle que de les admettre et de les reconnaître sans chercher à les dissimuler.

L’acceptation des suggestions et des feedbacks des autres
Collaborateurs ou managers humbles sont ouverts aux suggestions et sollicitent la participation des autres au projet, à la réunion ou à la décision. Parce qu’elle a conscience de ses forces mais aussi de ses limites et qu’elle apprend de ses erreurs, la personne humble sollicite les idées des autres, les considère avec respect et aime recevoir elle-même des feedbacks dont elle tire des enseignements constructifs. Mais elle ne se contente pas de recevoir les feedbacks, elle s’engage elle-même activement dans un processus d’auto-évaluation.

La reconnaissance du travail et de la contribution des autres
Vous reconnaîtrez également l’humilité au travail par le fait que les collaborateurs ou managers ne tirent pas la couverture à eux. Face à leur propre réussite comme à la réussite de l’équipe, ils citeront toujours d’abord les apports et contributions des autres.

L’acceptation des difficultés et la résilience
Parce qu’il connait objectivement ses limités et qu’il est ouvert sur ce qui l‘entoure, le professionnel humble sait reconnaître la réalité des défis sans chercher à les minimiser ni à les exagérer. Un membre du management humble inspire son équipe par son dépassement de soi et sa persévérance. Les erreurs étant l’occasion d’acquérir de nouvelles compétences, il renforce sa résilience face aux obstacles futurs et permet le développement de son leadership.

La volonté de s’améliorer en continu
Toutes ces manifestations d’humilité se retrouvent dans sa volonté de s’améliorer en continu. Parce qu’il écoute, est ouvert sur les autres, apprend de ses erreurs et est persévérant, le collaborateur ou le leader humble se développe professionnellement en permanence. Il identifie les domaines où des ajustements sont nécessaires, met en œuvre des changements et mesure les progrès réalisés.

Alors, aurez-vous identifié et reconnu à travers ces manifestations des collègues ou dirigeants humbles au sein de votre entreprise ?

Vous reconnaissez-vous vous même dans ce portait ? À noter que ce serait plus étonnant car il est rare que quelqu’un d’humble se décrive comme tel.

Quelques personnes humbles… illustres ?

Dans le milieu professionnel sportif, les grands champions sont souvent humbles. Sans aller trop loin, le footballeur Kylian Mbappé et l’entraîneur des Bleus, Didier Deschamps, cochent un certain nombre des cases détaillées plus haut.

Plus récemment, lors des Jeux Olympiques Paris 2024, nous avons été nombreux à découvrir l’humilité du nageur multimédaillé Léon Marchand, des pongistes les frères LeBrun ou du Président du Comité d’Organisation Tony Estanguet.

Nelson Mandela, Mère Teresa, Marie Curie ou Albert Einstein qui disait notamment “je n’ai aucun talent particulier, je suis seulement passionnément curieux”, sont d’autres exemples bien connus.

Pour autant, la majorité des personnalités en entreprise ne se fait pas connaître sous cet angle : l’humilité n’est pas forcément l’une des premières qualités reconnues dans le milieu professionnel.

On se focalisera plutôt sur la capacité à innover des leaders, à avoir une vision et à l’insuffler, même si, on l’a vu, la résilience, la capacité à apprendre de ses erreurs et le fait de progresser en permanence sont des caractéristiques communes et de véritables atouts.

Dommage ainsi que l’humilité ne soit pas davantage valorisée car elle apporte de véritables avantages à une organisation et au management qui la dirige.

Les avantages de l’humilité au travail

Conséquence des comportements cités plus haut que sont notamment l’écoute, le respect, la résilience, la reconnaissance, etc., les bienfaits au sein d’une entreprise sont évidents :

  • La communication est plus fluide, l’échange des informations est réel et constructif
  • La collaboration entre les membres de l’équipe est ainsi naturelle puisque le succès est collectif et que les contributions de chacun sont reconnues.
  • Les relations professionnelles s’en trouvent renforcées et solides, ce qui crée un climat consensuel et une ambiance de travail harmonieuse, limitant ainsi les conflits.
  • Tous ces éléments contribuent au développement de la performance individuelle et collective en un cercle vertueux.

Par la collaboration, la confiance, la reconnaissance de la performance de l’autre, la communication et la résilience, collaborateurs et dirigeants contribuent à la performance globale de l’organisation et de ses équipes en favorisant l’apprentissage, et le développement des compétences et la motivation de chacun.

Alors, l’humilité est-elle la panacée de tout collaborateur, manager, dirigeant ? Cela se saurait car outre le fait que c’est également grâce à la diversité que se développe la richesse d’une équipe, l’humilité a certaines limites.

Les limites de l’humilité au travail

Comme toute recette, tout est dans l’équilibre. Pas assez ou trop d’humilité peut avoir des conséquences négatives.

Le manque d’humilité est évident : l’arrogance, l’orgueil, le manque d’empathie, de respect, le mépris des sentiments et des besoins d’autrui, la surestimation de soi peuvent conduire dans le mur.

Mais que se passe t’il en cas d’excès d’humilité ?

Vis à vis des autres : “On ne prête qu’aux riches, on promeut plus facilement les personnes grandes et minces et à compétence égale, on augmente davantage ceux qui réclament que ceux qui ne demandent rien”.

C’est regrettable, mais parfois vrai ! Ainsi, lorsque l’humilité d’une personne est trop prononcée, elle peut apparaître aux autres comme faible, manquant d’ambition, voire incompétente. Trop humble, une personne peut être exploitée car elle ne se plaindra pas. Elle risque de ne pas être reconnue à la hauteur de ses contributions réelles, que ce soit en termes d’évolution professionnelle que salariale. Comble de tout, son comportement pourra être qualifié de faux et de manipulateur.

Vis à vis d’elle-même : à la différence d’une personne humble, quelqu’un de trop humble n’a pas une bonne perception d’elle-même et de ses limites. Une humilité excessive peut donc conduire à une sous-estimation de soi et de ses propres compétences, empêchant de reconnaître ses réussites ou saisir des opportunités par peur de paraître prétentieuse. Elle manquera de confiance en elle, se dévalorisant, doutant constamment de sa valeur et empêchant sa capacité à s’affirmer.

On le voit, l’humilité est une réelle force si elle n’est pas dans l’excès, et ce, que l’on soit collaborateur ou manager. Certains identifient même, parmi les dimensions du leadership, le facteur “H” pour Honnêteté et Humilité comme concourant à la performance des organisations.

Comment cultiver l’humilité en milieu professionnel ?

Il faut déjà du terreau : en ce sens l’humilité a besoin, pour s’épanouir, d’un niveau suffisant d’estime de soi.

En effet, les personnes qui manquent de confiance en soi ont souvent tendance à vouloir se mettre en avant pour la compenser.

L’estime de soi s’acquiert idéalement dès l’enfance, dans un environnement sécurisant et ouvert sur l’extérieur. Mais il est également possible de la travailler et de se concentrer sur ses succès, en se confrontant peu à peu à de nouvelles expériences et challenges en entreprise. La réussite progressive permet de se sentir plus confiance et de mieux se connaître.

Outre le terreau, il y a des tuteurs et l’engrais : pratiquer un feedback honnête et constructif, se délester de ses préjugés pour appréhender le monde qui évolue sans cesse de manière objective – autrement dit, favoriser la curiosité intellectuelle – et, encore et toujours, faire preuve d’exemplarité en la matière pour Influer sur le comportement des autres.

En conclusion

Dans un monde du travail où un certain désengagement se fait sentir vis à vis des structures traditionnelles, où il y a pour certains une plus grande recherche de sens ou d’équilibre court terme entre ce que je donne et ce que le reçois, l’humilité en tant que valeur cardinale peut faire la différence.

Parce qu’elle rassure, apaise et répond à notre besoin d’être reconnu·e pour ce que nous sommes et ce à quoi nous contribuons, l’humilité a de beaux jours devant elle… si elle est enfin reconnue en entreprise dans les critères d’appréciation du leadership et de la performance globale.

Pour aller plus loin

 

▸ Le Gymnase du Management accompagne les managers à asseoir leur légitimité, avec un programme de formation de 11H pour identifier ses forces et axes de travail en tant que leader et figure d’exemplarité ; acquérir les éléments de posture et les pratiques qui développent la « force d’embarquer » ; et travailler son talent de leader multiplicateur de compétences.

 

▸ Le Gymnase du Management accompagne aussi les collaborateurs dans le développement de leurs soft skills : communication interpersonnelle, prise de parole en public, assertivité, télétravail, gestion de la pression et du stress, intelligence émotionnelle, …

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