Manager avec bienveillance, faux ami ou vrai défi ?

Vouloir travailler dans un climat positif et agréable n’est pas nouveau ! Alors pourquoi parle-t-on autant, aujourd’hui, de management bienveillant ?

Manager avec bienveillance, faux ami ou vrai défi ?

Qui n’a lu ces dernières années un article traitant de la recherche de la performance managériale, du stress et de la qualité de vie au travail, du développement des compétences des collaborateurs ou de la quête de sens en entreprise ? Si l’on rajoute à cela des publications sur le développement personnel versus l’épuisement professionnel des salariés, l’agilité de l’organisation versus la sécurité de l’emploi, pourquoi ne pas tenter de cultiver l’exigence d’un management… bienveillant ? On voit mal qui aurait à y redire… ! Est-ce vraiment réaliste ? À quelles conditions ?

La bienveillance managériale est un sujet d'entreprise.

Qu’est-ce que la bienveillance ?

Étymologie et concept

Avant que chacun en juge par lui-même, entendons-nous sur une définition de la bienveillance.

La racine étymologique du mot bienveillance vient, selon les sources, du terme latin « benevolens », qui signifie « vouloir du bien » ou de « bona vigilentia » qui signifie le fait de « bien veiller ». Quelle que soit l’étymologie, le terme est aujourd’hui synonyme de gentillesse alors qu’il s’agissait initialement d’être vigilant.

Le concept de bienveillance est ainsi une disposition d’esprit inclinant à la compréhension, à l’indulgence envers autrui. Elle se manifeste par une attitude positive et empathique envers les autres, en évitant jugement et critique. Une personne faisant preuve de bienveillance, agit avec générosité et respect, et même de manière désintéressée….

Alors, quelle place dans le monde des entreprises ?

Autant dire que « bienveillant » n’est pas la première valeur que l’on associe au management, dès lors que l’encadrement, en entreprise, suppose de fixer des objectifs aux salariés, de stimuler l’efficacité et d’évaluer les performances de son équipe, dans un environnement soumis à des contraintes et des enjeux…

Mais management ne rime pas non plus avec malveillance ! La très grande majorité des managers a à cœur de travailler, avec son équipe, dans un climat aussi positif et agréable que possible. Et ce n’est pas nouveau. Alors pourquoi parle-t-on autant, aujourd’hui, de management bienveillant ? Il y a certes le focus mis ces dernières années sur la qualité de vie au travail, les risques psychosociaux, le harcèlement en entreprise. Ce sont de vrais sujets de fond et ils font évoluer le regard sur le travail. Il y a aussi, dans la société, une quête du bonheur, du « mieux vivre ensemble », de l’équilibre, tenant une place de plus en plus centrale. Enfin, on voit apparaître, l’inquiétant phénomène du désengagement de certains collaborateurs, du quiet quitting, du turn over. S’impose alors la question de la qualité des relations humaines comme facteur de motivation, de satisfaction des équipes, de rétention, de performance.

La valeur bienveillance, dans les relations manager-managé, au sein des équipes comme dans toute relation humaine, devient sésame !

On donne finalement raison à Platon (comme quoi le sujet n’est pas nouveau 😊) : « il y a une admirable énergie dans l’obstination de la douceur ».

Et l’on suit les principes de l’éthique du care. Catherine nous en dit quelques mots :

Des limites à la bienveillance ?

Avant de voir quelles pratiques aident le manager à agir de manière bienveillante, il faut bien sûr préciser que manager avec bienveillance ne veut pas dire accepter n’importe quoi des membres de son équipe. Au sein d’une organisation, un manager, aussi bienveillant soit-il, n’acceptera pas, sans rien dire, les retards répétés d’un collaborateur au motif qu’il pourrait le froisser ou qu’il a des raisons d’être en retard… Un manager ouvert et compréhensif ne fera pas l’impasse sur une façon inadaptée de répondre à un client ou sur des erreurs dans des gestions de commande. Il communiquera avec la personne concernée de manière factuelle, respectueuse, essaiera de trouver avec elle une solution… mais il traitera le problème. Sinon, il ne jouerait pas son rôle de manager.

La posture managériale suppose en effet de l’objectivité, de l’équité et de l’assertivité. Elle ne signifie pas acceptation inconditionnelle, tolérance absolue ni complaisance. Il n’y a pas à choisir entre gentillesse et efficacité mais à les marier dans l’intérêt de tous.

Ainsi, la limite serait le cadre : le poser et le faire respecter.

Mais cadre et bienveillance fonctionnent tout à fait bien ensemble : on donne les règles, on se met d’accord sur ce qui est attendu, on échange avec ouverture, écoute et si nécessaire, on redonne le cadre pour que l’individu se positionne. Tout cela tranquillement, en collaboration 😊.

Il y a donc des limites à l’acceptation mais pas à la bienveillance !

Manager avec bienveillance : quelles pratiques privilégier ?

Puisqu’il s’agit d’exercer pleinement sa mission de manager, dans le souci du cadre, de l’efficacité et de l’équité, de montrer de la considération et du respect à l’égard de chacun, les managers peuvent s’appuyer sur 4 pratiques clés.

Une communication fondée sur le crédit de bonne intention

L’autre veut bien faire, à nous de créer les bonnes conditions ! Donc lui permettre d’exprimer ses idées, écouter vraiment, être accessible, lui donner le droit à l’erreur. Manager avec bienveillance suppose une communication, une écoute et des échanges au-delà des strictes consignes du quotidien. Les choses semblent, sur ce point, évoluer dans le bon sens : selon l’enquête Opinion Way pour l’Observatoire de l’engagement en 2022, 2 managers sur 3 se déclarent plus à l’écoute aujourd’hui qu’avant la pandémie. Cela témoigne d’une prise de conscience.

Un feedback privilégiant le positif

On ne le dira jamais assez, nous avons tous besoin de retours sur ce que nous faisons bien et moins bien, pour situer notre niveau de compétences, nous conforter dans nos façons de faire et nous améliorer. Notre culture a naturellement trop tendance à mettre l’accent sur ce qui ne va pas. La bienveillance managériale, c’est d’abord s’attacher au positif et le valoriser. C’est prendre le temps de poser son regard sur la contribution, les qualités, les efforts de chacun et d’en discuter. C’est aussi rendre visibles, dans l’organisation, les pratiques et réussites de l’équipe. Montrer à chacun qu’il a sa place, que ce qu’il produit a du sens, de l’impact.

Bien sûr, pour les raisons vues plus haut, le manager ne se contente pas de faire des compliments. Mais face à une problématique, un non-respect du cadre, il pratique le feedback correctif, basé sur des faits objectifs, sans jugement ni accusation.

De la reconnaissance et du support

Le feedback permet la reconnaissance de ce qui est accompli et aide le collaborateur à prendre confiance, à progresser. Une autre mission du manager, a fortiori bienveillant, est de l’aider à gérer les situations difficiles, les périodes tendues, à franchir les obstacles (sans faire à sa place) pour atteindre les objectifs fixés. Il est une ressource, un facilitateur. Cet accompagnement passe par l’empathie du manager, sa capacité à repérer le stress, le mal être, le découragement, à comprendre le ressentis des collaborateurs.

Des études réalisées en 2021 indiquent que 61% des salariés déclarant avoir un dirigeant empathique se sentent plus capables d’innover, 76% plus engagés contre respectivement 13% et 32% de ceux dont les dirigeants ne sont pas perçus comme empathiques. C’est du gagnant-gagnant !

De l’assertivité dans les échanges

Ce concept développé par le psychologue new-yorkais Andrew Salter nous invite à communiquer sans recourir à des comportements de domination, d’agression, de soumission ou de manipulation. Privilégier l’assertivité est une des clés du management bienveillant. « Ni hérisson ni paillasson » : échanger de manière assertive c’est s’affirmer en respectant l’autre, dire clairement les choses, (y compris « non ») en exprimant son point de vue et ses sentiments avec respect, objectivité.

En conclusion

On a beau dire qu’il n’y a pas une seule et unique « bonne » façon de manager, d’exercer son leadership, la bienveillance est à la base de toute pratique managériale performante depuis l’arrivée de la psychologie positive du XXIème siècle. Elle n’est pas une mode mais une conviction, un état d’esprit qui guide une façon de travailler et d’interagir avec les autres. Parce que c’est efficace mais aussi parce que ça fait du bien !

Fini le management par la pression, le stress ! On reconnaît que manager avec bienveillance renforce les compétences, le niveau d’engagement, l’autonomie, aide à la fidélisation des collaborateurs, au travail d’équipe, à la qualité des échanges, pousse à la créativité et au dépassement de soi.

Par ailleurs, la bienveillance est une pratique contagieuse dont les effets sont bénéfiques pour la santé humaine sont reconnus : elle réduit le stress, développe la confiance individuelle et le plaisir à travailler en équipe, dans une relation de confiance.

Mais il y a tout de même un défi à relever au sein des entreprises : manager les managers, notamment de proximité, avec cette même bienveillance 😊. Les aider à concilier des exigences parfois contradictoires, les soutenir dans leurs prises de position, les écouter avec attention dans la gestion de problématiques humaines parfois très complexes.

La bienveillance est affaire de vie en entreprise, en société, pas seulement de management !

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