Appuyer sur pause et passer son cerveau en mode repos, le temps d’un instant… On en rêve tous, n’est-ce pas ? Mais est-ce vraiment possible ? Peut-on vraiment placer notre esprit en état de veille ?…
Peut-on vraiment mettre son cerveau au repos ?
Trop peu de vacances pour le cerveau ?
Imaginez…
Tous les premiers du mois, pour gagner du temps, vous décidez de manger l’équivalent d’un mois complet de repas : 30 petits-déjeuners, 30 déjeuners, 30 diners. Comme ça, « c’est fait », vous pourrez passer du temps sur autre chose.
Absurde ?
Oui, car notre rythme biologique ne prévoit pas cette option : le corps ne peut pas tenir, il a besoin de manger tous les jours. C’est une question de santé.
Tout aussi absurde, selon le docteur en neurosciences Albert Moukheimer, que d’accumuler, des heures et des heures de travail, et autant de stress, pendant des semaines, des mois. Tout aussi fou que d’additionner, sans arrêt, des périodes de rush vécues en apnée, en imbriquant les tâches les unes aux autres dans des journées(sur)chargées.
Tout aussi insensé qu’imaginer avoir ce mode de vie effréné et biologiquement inadapté, au motif que pendant quelques jours de vacances, nous mettrons notre cerveau au repos, en le laissant tranquille de toute contrariété ; avec une vraie pause, de quelques jours ou quelques semaines, « bien méritée » : sommeil, activités plaisantes, méditation, sport…
Cela ne marche pas. Le corps, tout comme le cerveau ne sont pas calibrés pour ces rythmes irréguliers, en yoyo et en dents de scie, tirant parfois (trop) sur la corde du supportable. Comme un véhicule, qui roulant par à-coup aux mauvaises vitesses, consomme plus d’essence qu’il ne le devrait.
Les conséquences sont bien sûr multiples sur la santé, pour le corps, pour le mental, et aussi pour les facultés de notre cerveau mis à mal par ce régime de travail : pensées brouillées, mémoire altérée, difficulté de concentration, attention volatile, manque d’imagination, créativité en berne…
Certes, mais dans une société où la révolution industrielle a cadencé nos journées en phase « travail/repos », puis nos années en « mois de travail/mois de congés »… nos vies subissent des rythmes maltraitant nos besoins biologiques, physiologiques. Les temps de pause ne permettent pas au corps et à l’esprit de se regénérer comme la nature le voudrait.
Envisager des pistes plus respectueuses de nos besoins, de notre santé, de notre mental peut commencer par reconsidérer notre façon d’entretenir notre cerveau, centre névralgique de l’ensemble de nos pensées.
Notre cerveau : un système complexe, fascinant, à l’activité incessante (et tant mieux !)
Peut-on, oui ou non offrir, de vraies vacances à notre cerveau, une pause totale, des instants de vide absolu ?
Non. Et oui.
Non, parce que le cerveau ne s’arrête jamais.
Inutile d’espérer « le débrancher ».
De nombreuses études en recherche neurologique démontrent que dans un cerveau dit « au repos » (c’est-à-dire un cerveau dont aucune activité cognitive n’est sollicitée sur un objet spécifique), il existe une activité cérébrale spontanée. Les neuropsychologues nomment cela le réseau du mode par défaut : cette activité cérébrale soutenue, dans des régions spatialement éloignées, modèle un réseau solidaire, caractérisé par des fluctuations synchrones de basse fréquence. Preuve que ce réseau est intense : alors que « le cerveau représente 2% de la masse corporelle de l’homme, il consomme au repos 20% de l’énergie du corps » nous informe Marcus Raichle, professeur de radiologie à la Washington University School of Medicine (Saint Louis, Missouri).
Plus fascinant encore : il est aujourd’hui prouvé que ce réseau par défaut est un puissant moteur de créativité. En effet, il invite spontanément l’esprit, non sollicité par des stimuli extérieurs, à vagabonder dans une libre introspection, non dirigée. Les pensées s’éparpillent, et visitent dans le désordre, tout à la fois, des souvenirs, des projections vers l’avenir, des rêves éveillés. « C’est cette synthèse de pensées qui permet d’aboutir à des productions créatives, imaginatives et à des décisions qui n’étaient pas forcément attendues » insiste Francis Eustache, neuropsychologue, directeur du laboratoire Inserm Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine. « C’est un espace de liberté, ce sont vraiment des moments où je suis moi, où c’est moi qui prends des décisions. Il faut protéger ces moments de repos ».
En bref, grâce à ce réseau par défaut, chaque être humain est un puits de créativité, même sans le vouloir et sans agir !
Oui, avec des séances d’oisiveté pour soigner sa puissance créative
Finalement, les meilleures vacances à offrir au cerveau seront des récréations d’oisiveté. Lui offrir des moments où votre totale inaction lui permettra de se désengager de ses fonctions cognitives pour laisser le réseau par défaut s’activer tel que décrit ci-dessus. « L’être humain a véritablement besoin de vide et de temps pour ne rien faire. Nous sommes dans une pathologie du travail, où toute personne qui ne fait rien est forcément un fainéant« , affirme l’écrivain, philosophe et essayiste Pierre Rabhi.
Dans l’imagerie populaire « oisiveté » = « ne rien faire, glander »… Mauvaise image du fainéant vautré dans son sofa ! Une véritable méprise et une grande injustice pour cette oisiveté, dont l’étymologie latine renvoie à l’idée que l’oisiveté est précisément une activité ! Celle du temps libre… Pour les citoyens grecs et romains, l’oisiveté (« otium » en latin) offrait la capacité de réfléchir, de contempler, de philosopher…
Ainsi, Christophe André, Psychiatre et écrivain, précise sur la notion de l’oisiveté : « Ne rien faire ne consiste pas à somnoler ou à rêvasser, mais à rester pleinement éveillé dans la « non-action ». La non-action n’est pas de l’inaction, c’est une pleine activité intérieure. On ne fait rien, mais on ressent tout, on voit tout, on écoute tout ». Par exemple, en Chine, savoir s’arrêter et cultiver l’oisiveté, est une vertu, considérée comme une sagesse.
Ainsi, nous imposer une « véritable discipline du temps libre et de l’inaction » offrira à notre cerveau ce souffle d’air, ce vide dont il a besoin pour respirer, pour enclencher le mode réseau par défaut si précieux pour structurer notre pensée, notre vision du monde, notre bien-être.
Prendre soin de son cerveau au quotidien
Alors bien sûr, pratiquer la méditation, travailler sa respiration, préserver son sommeil, faire du sport etc… contribuent à réguler notre flux de pensées, notre cerveau. Et c’est à encourager.
Mais pour ceux qui trouvent ces solutions complexes à mettre en œuvre, voici des pistes simples, immédiatement applicables dans votre journée, sans techniques particulières, que nous vous invitons à tester dès la fin de votre lecture 😊.
Un impératif d’abord pour chacune d’entre elle : se couper, temporairement, de toutes sollicitations extérieures (technologiques ou humaines !).
Puis, au choix et selon votre contexte, tous les jours :
- S’isoler 10 minutes, s’asseoir, et laisser votre esprit vagabonder.
- De votre fenêtre, de votre poste de travail, de là où vous êtes : contempler le décor ou paysage devant vous pendant 10 minutes.
- Aller marcher, sans but autant de temps que possible. Ni casque, ni écouteurs, ni écran…
Pour l’anecdote : saviez-vous qu’Einstein considérait ses promenades comme sacrées ? Chaque jour, il allait marcher afin de stimuler son activité cérébrale et développer un style de pensée différent. Lors de ses longues marches, il laissait son imagination divaguer constamment. Il en revenait avec une capacité à résoudre des problèmes différemment. Idem pour le Général de Gaulle qui prenait le temps de s’arrêter pour aller marcher avec son chat.
D’autres pistes encore ?
Et si vous transformiez des moments de vie qu’on estime être du temps perdu, en temps pratique pour votre cerveau…
- Coincé(e) en voiture dans un embouteillage ? Et si vous lâchiez votre écran, oubliiez les scrolls sur vos fils d’informations… Prenez le temps d’observer les passants, les rues, les balcons, les terrasses…
- Coincé(e) n’importe où dans une file d’attente ? Même chose que précédemment.
- Coincé(e) sur un problème sans solution ? Abandonnez-le ! Et devenez Einstein… allez marcher au moins une heure, sans autre but que celui de marcher : vous stimulerez votre cerveau, en plus de prendre l’air et de souffler !
Prendre soin de son cerveau est donc un apprentissage subtil et personnel. Utiliser la puissance de son cerveau suppose de lui donner un environnement et des conditions propices à enclencher son système de réseau par défaut. Et pour chacun de nous d’identifier des rituels, des habitudes réalistes à mettre en place, dans la durée.
4 points à retenir sur le repos du cerveau
En conclusion :
- Mettre son cerveau en pause : impossible car il est toujours en activité.
- Mais on peut le passer en « en mode repos » en s’accordant des instants d’oisiveté dans la journée pour laisser ses pensées divaguer.
- Quelques minutes suffisent pour éviter la surchauffe du cerveau, et stimuler son activité mentale naturelle (le mode réseau par défaut).
- Les bénéfices d’une oisiveté bien organisée :
- faire baisser le niveau de stress, faire le plein d’énergie, de créativité et d’idées nouvelles ;
- favoriser le processus d’apprentissage, le bon fonctionnement de la mémoire, l’attention.
Pour aller plus loin, découvrez les mécanismes de l’apprentissage selon le professeur Stanislas Dehaene.
Le Gymnase du Management a en catalogue des contenus pour se former à la gestion de la pression, utiles notamment au travail et applicables aussi au quotidien !
Découvrez la démo du module Filtrer la pression et du module Décider sous pression.
- 2 modules courts (20 min).
- Des vidéos d’observation issues du terrain en entreprise.
- Une méthodologie pour prendre de la hauteur, trier les informations, communiquer, mais aussi souffler !
- Des quiz pour s’entraîner et mettre en pratique.
Découvrez aussi la formation Faire face à la pression et gérer son stress, 11H pour aller plus loin dans la maîtrise de son stress.
- Un programme construit autour des 4 dimensions sur lesquelles travailler pour tenir la pression et le stress,
- composé d’un parcours e-learning + 3 classes virtuelles d’échange entre pairs.