En formation, comme dans de nombreuses situations de travail, on a peu de temps, alors adoptons la stratégie du détour !
Qu'est-ce que la pédagogie du détour ?
Paradoxal ? Pas tant que ça, voyons pourquoi…
Définition de la pédagogie du détour
On le sait, le chemin le plus court n’est pas toujours le meilleur !
Il est parfois trop direct, trop rapide (on n’a pas le temps de se familiariser avec le paysage), il demande de savoir parfaitement où l’on va et d’être prêt à y aller.
Bref, il nous bouscule ou nous ennuie, réveille nos résistances ou, notamment dans le domaine de la pédagogie, il rend laborieuse l’acceptation, l’appropriation, la mémorisation.
Qu’est-ce qui va généralement le plus aider un écolier dans l’apprentissage des chiffres ? La répétition 1, 2, 3… ? Ou la comptine « 1, 2, 3, nous irons au bois… » ? Vous avez la réponse bien sûr 😊.
La pédagogie du détour, ou pédagogie du contournement, vient des sciences de l’éducation. Elle regroupe des approches pédagogiques qui contournent les obstacles cognitifs et émotionnels pour favoriser les apprentissages, propose des activités qui agissent comme relais entre les savoirs à acquérir et l’assimilation.
Le postulat : plus les individus s’engagent dans une activité d’apprentissage, se mettent en action, plus ils apprennent, acquièrent des connaissances, des compétences.
On parle de méthode active d’apprentissage. Elle mise sur l’appropriation des concepts et pratiques, pas seulement sur la mémorisation et donne du sens à la pyramide des apprentissages d’Edgar Dale qui souligne le peu d’efficacité pédagogique d’un cours magistral.
Cette approche pédagogique par le détour, créative et ludique, est particulièrement adaptée au contexte scolaire, à un public de jeunes apprenants, mais pas seulement ! Elle dynamise l’action pédagogique auprès d’adultes, rend stimulante l’éducation continue.
De quoi s’agit-il exactement ?
La pédagogie du détour s’appuie sur 4 mécanismes de contournement redoutablement efficaces s’ils sont employés à bon escient et adaptés à chaque situation d’apprentissage, à chaque public, à l’école ou en entreprise :
- la rencontre
- le décalage
- la confrontation
- le recul
Les 4 mécanismes de la pédagogie du détour
La rencontre
Il s’agit d’amener l’apprenant à « voir » avec les lunettes de l’autre, à visiter sa planète à lui.
Rien de tel que des ateliers « vis ma vie » pour sensibiliser aux spécificités, contraintes de telle ou telle fonction ou activité. Ou un jeu de rôles dans lequel un participant endosse, temporairement, l’habit du client mécontent pour se mettre à sa place, comprendre ses réactions.
On provoque alors une expérience singulière, une interaction qui va favoriser la compréhension sans passer par l’explication rationnelle. Dans l’action de rencontrer, l’apprenant réalise un travail d’élargissement de ses perceptions, de ses représentations. Le détour est un révélateur.
Le décalage
On mise sur l’analogie, la métaphore, pour immerger l’apprenant dans un nouvel univers.
Les jeux de simulation, une énigme à résoudre, une chasse au trésor, sont de bons exemples. Une image, un récit, une courte vidéo sans liens immédiats avec le savoir à acquérir permettent d’assimiler, presque malgré soi, de nouvelles informations ou pratiques.
La confrontation
L’apprenant est mis en situation de découvrir un contexte, une situation qu’il ne connaît pas, ou mal et qui vont provoquer en lui des questionnements, de nouvelles façons d’envisager la réalité.
Exemple : le formateur propose à l’apprenant de communiquer sans entendre les paroles son interlocuteur, en se basant exclusivement sur le non verbal. C’est une façon de faire expérimenter la nécessaire attention à l’autre pour bien se comprendre.
Le recul
Le formateur amène l’apprenant à prendre de la hauteur, à se distancier de la réalité habituelle.
Par exemple, à partir d’une problématique vécue dans l’entreprise, l’apprenant va réaliser une mini vidéo en adoptant un point de vue qui n’est pas le sien habituellement.
Pour aider une équipe à prendre conscience du sens de son travail, on l’invitera à concevoir des présentations auprès de publics très différents : classe de CM2, maison de retraite etc. On mise ici sur la créativité de l’individu : face à une page blanche, il construit un sens nouveau.
Au-delà de ces 4 piliers, la pédagogie par le détour est surtout une philosophie de la relation enseignant-apprenant. L’enseignant n’est plus l’unique détenteur de savoirs à transmettre via un cours descendant, scolaire mais un metteur en scène qui crée les meilleures conditions pour que les individus s’immergent dans l’apprentissage.
Intéressant vous dites-vous, mais cette pédagogie a-t-elle d’autres applications, hors du champ de l’éducation, de la formation ? Et bien oui !
En économie, une théorie relève du même principe : le Nudge ou théorie de l’incitation douce. Un exemple ? L’aéroport d’Amsterdam voit grimper ses frais d’entretien des urinoirs. Les affiches demandant aux usagers de « respecter la propreté des lieux » n’y changent rien. Jusqu’au jour où des mouches adhésives viennent décorer le fond de chaque urinoir 😅 viser devient un jeu et les frais d’entretien diminuent de 80%. Bel exemple de détournement de l’attention !
Et dans la vie quotidienne ?
En dehors des milieux scolaires et professionnels, nous employons tous, sans le savoir, l’approche par le détour.
Quand nous recourrons à l’analogie, à la métaphore pour amener l’autre à nous comprendre. Quand nous l’amenons à se mettre à notre place etc.
Alors une suggestion pour des échanges plus souples, plus riches, plus sereins : prenons des chemins de traverse, usons d’images, de poésie, de « vis ma vie » même très courts. Le détour, nous obligeant à la créativité, nous fera gagner en compréhension mutuelle.
Récemment, lors d’un de nos ateliers, un participant a formulé une parfaite synthèse de l’approche par le détour : « finalement, c’est l’inverse de l’approche bulldozer ». Bien vu !
La pédagogie du détour dans les dispositifs de formation du Gymnase…
… C’est par exemple :
- Articuler les apprentissages autour d’ateliers d’expérimentation pratiques : le formateur met en scène des situations vécues par les apprenants pour les étudier en équipe, apporter des lectures, analyses et solutions différentes. Le retour de chacun enrichit la prise de conscience de tous.
- Proposer des activités ludiques de découvertes : parcours d’obstacles relationnels à dépasser, débriefing d’exercices à partir de jeux de cartes (questionnement, émotions…).
- Pratiquer la pédagogie inversée pour préparer le terrain de l’apprentissage : le formateur invite les apprenants, en amont des journées de formation présentielles ou des classes virtuelles, et en fonction des objectifs, à acquérir les savoirs essentiels quant au sujet travaillé. Ce peut être via de courts modules e-learning du Gymnase, une brève revue de presse à consulter, une étude de cas ou un mini projet à réaliser en intersession etc.
- S’appuyer sur les détours métaphoriques pour faire prendre de la hauteur : exploiter la mine d’or que constituent les contes, les récits historiques pour s’extraire du quotidien de l’entreprise et y revenir avec d’autres représentations.
Finalement, la formation est un espace d’apprentissage qui doit offrir à l’apprenant de multiples voies pour atteindre les objectifs. Chaque activité, chaque détour donnent alors du sens à l’ensemble pédagogique.
Pour aller plus loin
▸ En parlant d’enseignement (à l’école ou dans la vie quotidienne !)… connaissez-vous le mécanisme de l’apprentissage de Stanislas Dehaene ?
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