Prendre la parole en public : d’abord (re)prendre confiance en soi

Vertige de l’instant où tous les yeux se braquent sur vous, où chacun tend l’oreille pour entendre votre voix, votre propos et se faire un avis sur votre discours… Découvrez dans cet article 5 techniques rhétoriques qui vous aideront à prendre la parole avec aisance.

Prendre la parole en public : d’abord (re)prendre confiance en soi

Vertige de l’instant où tous les yeux se braquent sur vous, où chacun tend l’oreille pour entendre votre voix, votre propos et se faire un avis sur votre discours… La prise de parole en public nous renvoie à une inquiétude, allant du stress à la phobie : celle d’être « mauvais », de passer pour illégitime dans son propos, d’être décrédibilisé. L’art oratoire, faisant appel à l’éloquence et la rhétorique, propose des outils pratiques, utiles pour une intervention et un discours réussis.

Découvrez dans cet article 5 techniques rhétoriques qui vous aideront à prendre la parole avec aisance.

Micro installé pour une personne allant prendre la parole en public

L’exemple du Roi George VI : quand prise de parole rime avec douleur

Pour quiconque connait le trac de la prise de parole en public, la scène d’ouverture du film Le Discours d’un Roi s’apparente à un supplice. 1925 : le prince Albert, Duc D’York et futur roi George VI d’Angleterre doit prononcer, devant une foule immense au stade de Wembley, le discours de clôture de la grande exposition de l’empire britannique. Et, fait rare à l’époque, il est retransmis à la radio. L’homme est de nature timide. Toute exposition publique est pour lui un puissant déclencheur de bégaiements. Son discours, inaudible, sera catastrophique : une humiliation totale…

Le film se focalise sur l’accompagnement salvateur de Lionel Logue, orthophoniste, auprès du futur roi. Et sur les résultats concluants qu’il obtiendra de manière qualifiée alors de « peu orthodoxe ».

Il faut comprendre l’approche globale de Lionel Logue. Il diagnostique des problèmes mécaniques (une mauvaise coordination entre larynx et diaphragme), des traumatismes d’enfance ayant fracturé la confiance en lui du roi, une volonté de rester dans l’ombre – qu’il doit abandonner quand son frère abdique à son profit et à son grand désarroi en 1936. George VI alors est catapulté Roi.

C’est cet ensemble de paramètres en que Logue va traiter, en mélangeant plusieurs disciplines : l’orthophonie bien sûr, du renforcement et de la détente musculaire, de la respiration, des conversations à vocation thérapeutique, de la projection mentale, des exercices inspirés du théâtre ou encore des techniques empruntes à l’art oratoire.

Sa ligne apparaît clairement : soigner l’image que le futur Roi a de lui-même… pour renforcer sa confiance en lui quand il s’agit, en public, de faire une présentation claire et de tenir un discours solide et crédible. La persévérance, la détermination de George VI à incarner son rôle en toute légitimité l’amèneront à dépasser son angoisse et son bégaiement. Il prononcera progressivement des discours avec assurance et clarté, dont le plus symbolique reste celui de l’entrée en guerre du Royaume-Uni en 1944.

Parmi les approches de Lionel Logue, celle de l’art oratoire attire notre attention. Car si ses techniques abordent l’instant de la prise de parole devant un public, elles abordent en priorité le temps passé à anticiper et à préparer le discours. Avec un mot d’ordre : plus on prépare, plus on sera à l’aise le jour J !

L’art oratoire : des techniques qui s’apprennent

L’Ecole de l’Art Oratoire affiche sur son site : « au croisement de la rhétorique et de l’éloquence, l’Art Oratoire est l’art de convaincre, d’émouvoir par la parole. A l’origine, en Grèce, l’Art Oratoire s’occupait essentiellement du discours politique puis il s’est étendu à d’autres disciplines comme la littérature et l’art dramatique. […] L’Art Oratoire est un art, en ce sens qu’il propose une dimension esthétique du discours ; mais aussi parce qu’il requiert l’apprentissage d’une méthode et donc d’une technique. L’Art Oratoire n’est pas inné, il s’apprend ».

Ainsi, l’art oratoire fait appel à deux compétences : l’éloquence et la rhétorique.

Le projet Voltaire nous éclaire :

  • L’éloquence est une qualité, une disposition naturelle, comme un don de la parole, qui facilité le « bien s’exprimer ».
  • La rhétorique se définit comme l’action de la parole sur la pensée d’autrui, elle vise à persuader un auditoire sur des sujets divers. A ce titre, elle relève d’une technique ancestrale, un système structuré immuable depuis plus sa formalisation par ses grands maitres (il y a plus de 2 400 ans !) que sont Aristote, puis Cicéron.

Cicéron : « Ce n’est pas l’éloquence qui est née de la rhétorique, mais la rhétorique qui est née de l’éloquence » (De oratore, XXXIII, 146).

Autrement dit, on peut être éloquent assez naturellement, alors que la rhétorique s’apprend et se travaille. Et bonne nouvelle, on peut ne pas être éloquent et travailler la rhétorique !

Aborder la rhétorique suppose de s’aventurer dans une science carrée, aux outils précis où l’on (re)découvre des principes de bon sens repris aujourd’hui dans les formations pour réussir une prise de parole. Voici, parmi les nombreuses synthèses proposées par des experts, un aperçu facile d’abord.

Prendre la parole avec aisance : 5 techniques rhétoriques qui vous rendront plus forts

Reprenons les 5 étapes incontournables que la rhétorique décrit comme la garantie d’une présentation impeccable et d’un discours réussi. Nous proposons de les compléter de quelques éléments pratiques facilement transposables au quotidien.

#1 L’invention (l’inventio) les idées ou contenu

Concerne la recherche de tous les arguments.

Gymnase du Management : quel est mon projet de communication ? Quel message veux-je faire passer ? Avec quelles idées ? Quel est mon but ? A qui vais-je m’adresser ? Quel est leur intérêt à m’écouter ? En quoi mon idée est-elle nouvelle/différente pour eux ?

#2 La disposition (la dispositio) : la structure ou forme

Concerne la mise en ordre de tous les arguments.

GDM : « Quel plan vais-je suivre ? » sera bien sûr une question clé, et de nombreuses propositions de plans se trouvent sur internet. Mais attention … la manière de lancer votre discours, nommé EXORDE en rhétorique, l’est tout autant ! L’exorde est ce par quoi le discours commence : sa fonction est essentiellement de rendre l’auditoire docile, attentif et bienveillant.

Voici une astuce pratique et mnémotechnique pour démarrer votre présentation : le petit T.O.M. Elle permet de bâtir une introduction très courte (1 minute maximum), qui aborde :

  • le Thème (ce pour quoi nous sommes réunis),
  • l’Objectif (ce à quoi cette réunion nous servira concrètement),
  • la Méthode (comment je vais dérouler ce moment ensemble).

#3 L’élocution (l’elocutio) : le style

Concerne la rédaction écrite du discours, dans la plus fine précision possible : niveau de langue (attention, c’est un concept différent de l’orthographe ; le niveau de langue peut être courant, familier ou soutenu), style et des figures rhétoriques. Métaphore, euphémisme, oxymore… un grand nombre de possibilités s’offre à nous, en voici quelques-unes.

GDM : une fois rédigée l’intégralité de votre discours, une nouvelle lecture peut alors démarrer pour lui donner votre style, c’est-à-dire valider que le niveau de langage proposé est adapté au public, que le déroulé propose des figures de style simples dont l’usage peut marquer les esprits de l’auditoire. Par exemple :

  • les métaphores pour illustrer un concept complexe (comme une « toile d’araignée » pour décrire ce qu’est le web),
  • les oxymores, pour provoquer le doute (« un silence assourdissant», « un illustre inconnu », « une belle grimace »).

A vous de choisir deux ou 3 figures avec lesquelles vous êtes à l’aise.

#4 La mémoire (la memoria) : la maîtrise du discours

Consiste à retenir sa présentation ou son discours pour le prononcer sans note, pour le posséder pleinement, le maitriser sans hésitation. Selon Quintilien (rhéteur et pédagogue du 1er siècle après JC, auteur de référence d’un important manuel de rhétorique), « c’est en possédant son discours qu’on est le mieux à même de l’adapter aux objections et d’improviser. Loin de s’opposer à la créativité, la mémoire en est un facteur essentiel. »

GDM : la mémoire est comme un muscle que l’on doit entraîner, de nombreuses astuces existent pour la travailler. Une des nôtres consiste à penser « cohérent » : plus la structure de votre discours propose des enchaînements logiques avec un fil conducteur facile à suivre, des tempos rythmés, une eurythmie harmonieuse, plus facilement votre cerveau pourra le retenir. Par exemple, certains conférenciers utilisent des techniques de visualisation pour mémoriser puis répéter leur discours « les yeux fermés » :

  • Ils écrivent d’abord le plan de leur discours sur une feuille A4 – tout doit tenir sur la feuille.
  • Ils différencient les titres des parties et leurs idées majeures avec des couleurs différentes.
  • Ils griffonnent sur des post-it un mot clé, un dessin, un symbole pour matérialiser un changement de partie…
  • Ils répètent inlassablement, sur cette base, en ajustant/complétant ce support mémoriel.

#5 L’action (l’actio) : traite de la voix et du geste… les deux interprètes de la pensée et de l’Art oratoire !

Modulations de la voix, intonation, occupation de l’espace, posture, regard, gestuelle… se travaillent et se répètent pour donner au discours un impact émouvant. Car l’auditoire est autant concentré sur le fond du propos, qu’embarqué (ou ennuyé…) par sa forme !

GDM : pour maîtriser trac, timidité, voix qui tremble, débit ou prononciation, de nombreux conseils existent comme par exemple chez TimetoPitch ou auprès de Romain Lesaffre, auteur du livre L’étonnant pouvoir du trac. Vous pouvez aussi enrichir vos connaissances de la mise en scène en profitant, pourquoi pas, d’exercices de comédiens avec Ideas On Stage.

Bonus…

Nous aimons compléter ces conseils judicieux par le jeu du « pire peut arriver ! ».

Sa finalité : dégager l’esprit des situations angoissantes pour rendre au corps plus d’aisance et d’habileté. Il consiste à lister tout ce qui, le jour J de votre discours, peut vous mettre dans un embarras tel que vous en perdriez vos moyens… Par exemple :

  • Votre voix tremble. Vos mains et le micro tremblent aussi.
  • Vous avez le trac, on entend votre respiration saccadée
  • Une personne dans le groupe face à vous vous intimide
  • Vous avez un trou de mémoire
  • Vous trébuchez. Vous tombez. Votre chemise est débraillée à votre insu.
  • L’auditoire rit, sans raison apparente.
  • Etc…

Liste terminée ? Maintenant, à chaque situation, que pourriez-vous imaginer comme parade : quelle attitude ? quelle remarque ? quel « bon mot » (pensez aux fameuses figures de style vues plus haut 😉). Ecrivez votre réponse… et répétez-la comme si cela allait arriver !

Oubliez le mythe de l’orateur inné, vous êtes un orateur en puissance !

Voici donc dévoilées ici certaines astuces de ces personnes dont l’aisance à la parole nous émerveille. Vous l’aurez noté, le secret principal vient d’une somme importante de travail et d’efforts pour jongler avec l’ensemble des outils et connaissances pratiques.

Bien sûr, nous n’avons pas tous les mêmes facilités d’expression, il y aura toujours des Mozart et des pianistes plus humbles. Mais comme pour toute science ou discipline structurée par des codes, des étapes, l’art oratoire permet, à force d’entraînement (et d’envie !) d’offrir une intervention de qualité.

Alors, à vous de jouer !
Trois idées à retenir pour renforcer votre aisance à l’oral (en présentiel comme à distance !).

  • Préparer votre intervention reste la meilleure garantie pour décupler la confiance en soi, réduire le stress (avec une attention particulière à porter aux possibles réactions de l’auditoire, pour affuter vos réponses).
  • Mémoriser votre présentation pour rester maitre du message et de la session que vous allez animer.
  • S’entraîner en amont, à prendre la parole, comme si vous étiez face à votre public ou groupe : posture, voix, expression du regard

Votre check-list de la prise de parole : la garantie « anti trac-et anti-stress »

Ou presque 😊…

Vous avez un projet à présenter, une présentation à faire, une idée à exposer ? Voici une check-list mnémotechnique, que vous pourrez compléter au fur et à mesure de votre expérience  !

1. Mon intention, mon idée principale est claire : je connais mon message clé.

□ Oui    □ Non    □ Pas tout à fait

2. Je connais le format de l’intervention :

  • en présentiel ou à distance,
  • en face à face ou devant un groupe.

□ Oui    □ Non    □ Pas tout à fait

3. Je sais qui est mon public, mon auditoire ; sa capacité d’accueil de mon message, son niveau d’attention et d’empathie, ses objections.

□ Oui    □ Non    □ Pas tout à fait

4. J’ai préparé mon propos dans les moindres détails selon les 5 piliers de l’art oratoire.

□ Oui    □ Non    □ Pas tout à fait

5. J’ai répété mon discours afin de le mémoriser et de le prononcer sans lire mes notes, je maitrise le contenu.

□ Oui    □ Non    □ Pas tout à fait

6. J’ai répété mon intervention (pourquoi pas devant une glace ou en vous filmant !) pour discipliner mes gestes, ma façon d’occuper l’espace, affiner ma posture, diriger mon regard pour balayer l’auditoire (surtout si je suis sur une scène).

□ Oui    □ Non    □ Pas tout à fait

7. J’ai répété mon intervention à voix haute pour m’approprier un style, canaliser ma voix, mon débit de parole, ma respiration (se filmer est là encore un bon moyen de prendre un recul objectif !).

□ Oui    □ Non    □ Pas tout à fait

8. J’ai identifié une astuce personnelle pour mettre le stress en cage : grande respiration, porte-bonheur, pensée positive etc…

□ Oui    □ Non    □ Pas tout à fait

9. Je me fais confiance pour progresser à chaque prise de parole : j’identifie 2 indicateurs qui me feront dire, si du début à sa fin, ma présentation est réussie ou non.

□ Oui    □ Non    □ Pas tout à fait

10. Je pratique la bienveillance à mon propre égard : je reconnais ce qui est bien, j’accueille mes erreurs pour les transformer en exercices pratiques (« comment faire différemment une prochaine fois ? »).

□ Oui    □ Non    □ Pas tout à fait

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