Du recrutement à la promotion des individus au sein d’une équipe, chaque manager et RH a dû s’interroger ces dernières années en entreprise sur ses biais et ses pratiques pour s’attacher à manager avec équité les collaborateurs, hommes, femmes, juniors, seniors, personnes en situation de handicap, sans parler des supposées origines ethniques, orientations sexuelles ou religieuses.
Management intergénérationnel : un nouveau défi pour les managers ?
Si tout n’est pas réglé, les attitudes et les postures de la culture d’il y a 20 ans sont aujourd’hui regardées avec étonnement voire incompréhension par la nouvelle génération et chacun affirme haut et fort que la diversité d’une équipe, dans toutes ses dimensions, est porteuse d’une véritable richesse pour l’entreprise en matière de compétences, d’expérience et d’innovation.
Alors pourquoi le management intergénérationnel vient-il maintenant sur le devant de la scène des entreprises ? Est-ce vraiment une thématique spécifique dans le monde du travail ? Comment la définir ? Y a-t-il des attitudes et des compétences à favoriser en tant que manager ou RH ?
Après avoir fait le point sur ces différentes questions, vous vous serez forgés votre opinion et saurez vous positionner sur l’importance ou non de d’adapter vos pratiques de management à des salariés issus de différentes générations.
On lit partout que, dans le monde de l’entreprise, quatre générations sont amenées à travailler ensemble, chacune avec ses propres besoins, valeurs et attentes.
Mais…
Qu’appelle-t-on “génération” ?
La définition d’une génération étant une espérance “mathématique” de l’âge d’une femme d’être mère, elle fluctue avec l’histoire. Passée de 20 ans jadis à 30 ans aujourd’hui, son estimation est communément admise autour de 25 ans.
Pour autant, si on parle de 4 générations qui peuvent actuellement cohabiter professionnellement, c’est que le concept de génération n’est pas que démographique.
En effet, pour le sociologue Karl Manheim (1928), une génération correspond à un groupe d’individus d’âge proche qui partagent une destinée commune, qui sont exposés et expérimentent les mêmes évènements historiques. Claudine Attias-Donfut, sociologue et spécialiste internationalement reconnue des relations entre générations, définit le concept de génération comme “des individus ayant en commun une même empreinte historique (matérialisée par des expériences et des influences identiques) et un socle commun de règles institutionnelles gérant leur évolution professionnelle avant, pendant et après leur insertion dans le monde du travail”. Cela implique une notion d’identification, d’individus possédant un vécu commun.
Une génération n’est donc pas forcément liée à une tranche d’âge précise mais plutôt à une période commune d’éducation et de vécu professionnel.
Qu’est-ce que le management intergénérationnel ?
On appelle management intergénérationnel le fait de manager des collaborateurs de différentes générations.
Pourquoi le management intergénérationnel vient-il sur le devant de la scène ?
Plusieurs facteurs expliquent la cohabitation d’un nombre plus important de générations travaillant dans les entreprises.
D’abord, la durée de vie active a été progressivement allongée par les réformes des retraites, dont la dernière de 2023 a fixé la durée des cotisations à 43 ans et un âge de départ à la retraite repoussé progressivement de 62 à 64 ans (de 65 à 67 ans pour une retraite à taux plein). L’effet le plus immédiat est que maintenir les seniors en emploi est devenu crucial pour les entreprises, sous peine de pénalités.
La transition démographique a également conduit l’État à faciliter l’embauche des jeunes qui restent la population subissant un taux de chômage nettement supérieur à celui des autres tranches d’âge (en 2022 selon l’INSEE : 17,3% de chômage chez les 15-24 ans contre 6,6% chez les 25-49 ans, avec une dominante chez les peu ou pas diplômés). Il s’agit ainsi de “laisser le moins possible de personnes parmi les jeunes au bord de la route” pour éviter l’implosion de notre système de protection sociale.
Connaître les générations qui cohabitent pour mieux les comprendre
Pour manager efficacement une équipe intergénérationnelle, il est important de se familiariser au préalable avec les traits caractéristiques attribués à chaque génération… et de savoir s’en détacher pour manager des personnes plutôt que des types de personnes !
Les Baby-boomers ou Papy-boomers
Personnes nées approximativement entre 1946 et 1963.
Il s’agit de la génération née après la guerre, qui a forgé ses valeurs à travers le contexte de l’époque. Influencée par le vécu de ses parents, cette génération met au premier plan le besoin de s’assurer d’une stabilité financière avec des attentes quant à la sécurité de l’emploi.
Ayant vécu les premiers pas de l’Homme sur la Lune, les 30 Glorieuses et mai 68, les employés de cette génération ont à la fois le respect de l’autorité, des règles et des procédures (management bureaucratique), mais ont aussi connu, par la suite, le management stratégique (management par objectif et travail en mode projet).
La génération des Baby-boomers a tendance à se dédier à l’entreprise avec loyauté et accorde une importante particulière à la carrière avec la réussite de sa vie professionnelle et les gratifications personnelles.
La Génération X
Appelée aussi “Génération sacrifiée”, elle concerne les personnes nées entre 1963 et 1980.
Les personnes nées au cours de cette période possèdent en général une bonne formation universitaire, mais génèrent un revenu moins important que leurs aînés au même âge, ce en raison de l’inflation. Elles sont décrites comme respectant globalement l’autorité et étant plutôt fidèles à l’entreprise, mais le sentiment d’appartenance commence à décroître et cette génération tend à rechercher une certaine flexibilité du travail.
La reconnaissance est un point important pour ces personnes qui ont tendance à privilégier le statut mais qui restent souvent bloquées par la présence massive des Baby-boomers aux postes clés.
La Génération Y ou Millennials
Personnes nées entre 1981 et 1994.
Ayant connu les attaques de 11 septembre 2001, le développement des réseaux sociaux et la mondialisation, cette Génération Y a vécu l’extraordinaire essor des technologies et du numérique, est à l’aise avec l’informatique et a l’esprit de réseau.
S’écartant de la “loyauté sans faille” dont font preuve leurs aînés envers l’entreprise, elle préfère s’engager dans les structures qui reconnaissent ses performances. C’est une génération connectée, qui prête attention aux avantages pouvant améliorer son mode de vie et son équilibre entre vie privée et professionnelle. Plus adaptable, elle est aussi plus autonome, flexible et ouverte à la diversité.
Elle s’épanouit souvent dans un management collaboratif privilégiant l’intelligence collective voire co-responsable. Elle peut aussi se montrer ambitieuse, appréciant les changements et les défis, et fonctionne naturellement davantage en réseaux qu’en structure.
La Génération Z
Personnes nées entre 1995 et 2010, appelée aussi “Génération C” (Communication, Connexion, Collaboration, Créativité).
Née dans le contexte de la crise économique et du réchauffement climatique, la Génération Z a été marquée par le Covid, est très ouverte sur l’extérieur (Internet, réseaux sociaux, hyper connectivité) et recherche la satisfaction immédiate.
Les outils numériques font partie intégrante de son quotidien. Hyperconnectée, elle a le goût de l’entrepreneuriat. Elle place certaines valeurs dans la responsabilité sociale et environnementale, une recherche de sens et une culture de l’entreprise qui en tient compte. Une entreprise partageant ces valeurs sera donc plus à même d’attirer des talents de cette génération.
Possédant une certaine estime de soi, elle demande à être jugée sur ses compétences et ses résultats. Elle est davantage encline à rechercher de l’autonomie où esprit d’équipe, confiance et communication font partie de l’éthique. Multitâche, elle peut avoir une capacité de concentration plus limitée dans le temps.
De par leur histoire commune, chacune de ces quatre générations présente également des valeurs et des aspirations différentes, qu’il paraît important de prendre en compte pour favoriser la collaboration entre elles et tirer le meilleur parti de leur diversité au sein de l’organisation.
On voit ainsi schématiquement que les collaborateurs issus de ces différentes générations présentent des différences marquées à la fois quant à leur rapport au travail, leur rapport à la hiérarchie et leur rapport au numérique.
Halte aux idées reçues sur le management intergénérationnel !
“Chaque génération se croit plus intelligente que la précédente et plus sage que la suivante”, disait George Orwell. Mais tenir compte uniquement de l’âge n’est pas suffisant pour mettre en place une stratégie de management des différentes générations au travail. Ainsi, l’humour ou la curiosité n’est pas une question d’âge mais bien de personnalité.
Un manager nous racontait lors d’une récente formation : “dans mon équipe, j’ai une jeune collaboratrice (22 ans) qui ne supporte pas que ses collègues aient l’œil rivé sur leur téléphone pendant les réunions. L’autre jour, elle a fait la leçon à son voisin de table… le plus ancien de l’équipe (57 ans) qui lui a répondu, en riant, que c’était le monde à l’envers ! 😊”.
Être différents ne veut pas dire être incompatibles et l’âge n’est pas, en soi, un facteur de discorde entre les générations. Pour lutter contre les stéréotypes qui peuvent surgir dans la vie en équipe, il est toutefois important que l’entreprise puisse rapidement s’adapter, en optant pour un management qui permettra une communication et des échanges intergénérationnels valorisant les traits et les valeurs de chacun, la diversité des profils et des parcours de carrière.
Car on sait que la différence peut apporter la complémentarité, la richesse, l’enrichissement mutuel, la valorisation de dimensions nouvelles ou inconnues, propices à l’analyse critique et à l’innovation.
Les différents enjeux du management intergénérationnel
Motiver et reconnaître les apports de chacun
L’enjeu est à la fois d’intégrer et de motiver les nouvelles générations très volatiles, de les fidéliser, et à la fois, de valoriser l’expérience, de donner des perspectives d’évolution aux collaborateurs de la Génération X qui ont encore une dizaine d’années de travail devant eux.
Les seniors ressentent, à tort ou à raison, un déficit progressif de reconnaissance de leur expertise au sein de l’organisation. Par effet de renforcement, le phénomène du changement “coûte que coûte” a accentué la dépréciation progressive des salariés expérimentés en insistant sur le coût de l’individu plutôt que sur ce qu’il apporte, d’où la facilitation de la sortie précoce sous forme de départ négocié, pré-retraite, et autres. Il en résulte logiquement, pour les seniors, la tentation de conserver un monopole de détention de leurs savoirs pour lutter contre la fragilisation de leur position sociale due à l’arrivée de profils plus jeunes, théoriquement mieux formés et nécessairement moins bien payés.
En ce sens, le savoir est assimilé au pouvoir, même si l’accélération des connaissances, des modes et des techniques favorise davantage aujourd’hui le trentenaire ou le quadragénaire que celui qui a dépassé la cinquantaine. Cependant, le savoir-être et l’engagement que l’on prête davantage aux seniors peut rebattre les cartes pour une embauche, mais pas toujours dans les postes les mieux rémunérés ou les plus qualifiés.
Éviter les conflits
Entre le système de gestion basé sur l’ancienneté censée représenter l’expérience, et certaines cultures anglosaxonnes où la seule jeunesse rime avec innovation et l’ancienneté avec immobilisme, on voit bien que les risques de tension entre salariés d’âge et d’ancienneté différents sont réels s’ils ne sont pas gérés. Le manager doit faire en sorte que la diversité des générations ne soit pas source de conflit, mais au contraire de créativité et d’innovation.
Désarmer les conflits en se mettant à la place de l’autre aide à comprendre et à accepter ou à limiter certains comportements. Non, consulter son portable en réunion ne veut pas dire qu’on ne travaille pas et qu’on se désintéresse du moment présent. Par contre, interagir avec ses collègues en reportant la recherche d’une information sur son portable à l’issue de la réunion ne peut que favoriser le travail d’équipe.
Faire travailler ensemble cette diversité intergénérationnelle est donc un véritable enjeu, d’autant que le partage et la mise en commun d’idées diverses au sein d’une équipe est source d’intelligence collective, réel levier de performance pour les organisations.
Le fait d’employer des salariés d’âges divers valorise l’image de marque employeur. Favoriser la diversité est un signal positif envoyé vers les candidats et, plus largement, vers la société. Il permet également de mieux connaître et satisfaire ses clients dont les profils sont eux-mêmes diversifiés.
Comment développer un management intergénérationnel ?
Voici quelques pistes à expérimenter pour développer un management intergénérationnel.
Le partage et la transmission des savoirs
Ils peuvent aujourd’hui s’opérer dans les deux sens. C’est ce que l’on appelle le reverse mentoring : un jeune collaborateur forme un ancien, lui transmet ses connaissances. Cela vaut essentiellement pour le digital mais peut être déployé plus largement.
Les jeunes recrutés peuvent posséder des savoirs théoriques et techniques plus maîtrisés et en lien direct avec les besoins des entreprises (numériques ou techniques). Les anciens, eux, n’ont plus forcément les réponses pour demain, mais peuvent, par leur bon sens, leurs qualités propres et leur expérience, poser les bonnes questions, ou du moins des questions que les jeunes ne se posent pas ou pas de la même façon.
Tutorat et tutorat inversé
De la même manière, les différentes formes de tutorat intégrant cette diversité permettent de stimuler la collaboration intergénérationnelle afin de faciliter le partage des connaissances et des compétences entre les différents groupes d’âge et équipes.
Il est à noter que ce partage doit s’effectuer dès le 1er jour d’intégration de tout nouvel arrivant dans son nouvel environnement, et ce, quel que soit son profil, son âge. Nommer un parrain et mettre en place un véritable processus d’accueil et un accompagnement est essentiel pour la collaboration future. C’est une façon de remettre en cause la logique habituelle puisqu’un ancien peut tutorer un jeune recruté (là, rien de nouveau !), mais un jeune collaborateur peut aussi tutorer un nouvel arrivant senior. 😊
La constitution de groupes projet
S’il associe différentes générations, le groupe projet permet, outre de mieux se connaître, d’allier les compétences et les expériences au sein de l’équipe afin de mettre en œuvre une vision innovante basée sur l’intelligence collective.
Adapter les pratiques de gestion RH
Répondre aux besoins et aux préférences des différentes générations facilite également le travail intergénérationnel. Les besoins des employés évoluent au cours de la vie. Adapter des postes de travail en tenant compte de la pénibilité ou favoriser un environnement de travail offrant des options de travail plus flexibles (télétravail, horaires modulables…) pour répondre aux besoins et aux attentes variées peut aider les salariés à concilier plus facilement leur vie personnelle et professionnelle au cours de leur carrière.
Faire preuve de management créatif
En privilégiant des organisations internes plus transversales (fonctionnelles) que hiérarchiques, en intégrant ou associant les nouveaux dans les instances décisionnelles, en instaurant des espaces/temps de travail communs et participatifs intergénérationnels, on favorise également la collaboration entre les âges.
La formation continue
Enfin, aider les employés à évoluer dans l’organisation, à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter aux changements impactant leur vie professionnelle grâce à la formation continue est toujours autant d’actualité.
Il est pourtant étonnant de voir, dans certaines entreprises, que les salariés avec le plus d’ancienneté ou les plus âgés bénéficient très peu de formation alors qu’ils pourraient avoir besoin de se familiariser avec de nouvelles technologies ou de nouveaux processus. Il y a là peut-être des innovations à continuer de développer en matière de formation pour leur donner l’envie de se former et maintenir leur employabilité.
Formation Management intergénérationnel
Le Gymnase du Management accompagne les entreprises sur le sujet avec sa formation
“Manager les jeunes collaborateurs (« génération Z »)”
👉 Une classe virtuelle de 2h (également disponible en format atelier présentiel d’1/2 journée).
Objectifs de la formation :
- Prendre de la hauteur à l’égard des clichés « les jeunes et le travail »
- Comprendre l’évolution de la relation au travail
- Adapter son mode de management au contexte actuel
- Savoir intervenir quand les comportements ne répondent pas à l’attendu
Apprenez-en plus sur la formation en échangeant avec l’un de nos experts !
En conclusion
Promouvoir la diversité et l’inclusion sous toute ses formes favorise la collaboration, l’innovation et l’efficacité. En ce sens, le management intergénérationnel n’est pas différent de tout type de management d’individus ou de groupes d’individus.
Quels que soient les âges représentés dans l’équipe, il s’agit de faire collaborer des individus bien distincts, avec leur identité propre, leurs aspirations, leurs modes de réaction, leurs habitudes etc. Le facteur âge n’est qu’un facteur de gestion parmi d’autres.
D’ailleurs, une équipe constituée de collaborateurs d’une seule et même génération est-elle vraiment plus facile à manager ? Les individus collaborent-ils plus ou mieux ? Pas sûr !
Quid de la Génération Alpha, celle “après 2010” ?
Ceci posé, le rythme des changements dans le monde s’accélère et on en est déjà à projeter les futurs besoins de la Génération alpha, génération d’après 2010 dont les premiers représentants arriveront bientôt sur le marché du travail.
Avec l’explosion de l’intelligence artificielle qui se démocratise à vitesse grand V, la génération alpha est la première à grandir entourée de technologie dès la naissance (encore plus que la Génération Z !).
Sera-ce la fin des organisations au profit d’un entrepreneuriat individuel se révélant de plus en plus tôt ?
La réponse dans une dizaine d’années, voire moins si tout continue de s’accélérer…
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