À l’heure où notre rapport au temps est marqué par l’accélération du rythme de la vie, rien n’échappe au changement permanent – changement qui nécessite de s’adapter…
Peut-on (encore) s’adapter tout au long de sa vie professionnelle ?
Impossible de tracer sa route sans en être impacté, d’autant que tout semble aller plus vite. Est-ce vraiment le cas et peut-on ou doit-on s’en affranchir même partiellement ?
Des changements accélérés et permanents…
À partir des années 90, cette tendance du « toujours plus vite » s’est elle-même considérablement accélérée et les progrès technologiques, l’automatisation – qui ont par le passé affecté principalement le travail manuel et répétitif – impacte aujourd’hui les travailleurs du savoir, directement touchés par la démocratisation de l’intelligence artificielle.
Tant de changements si rapides créent un climat d’incertitude, voire d’angoisse, comme le témoignent les résultats du volet 2023 du baromètre de la formation professionnelle et de l’emploi Centre Inffo-CSA. Un tiers des actifs sondés en 2023 n’est pas confiant dans son avenir professionnel contre un quart en 2020 et près de la moitié d’entre eux prépare ou envisage une reconversion professionnelle. 41% pensent que leur métier évolue très vite et 60% se sentent concernés par la nécessité d’adapter leurs compétences aux futurs besoins du marché du travail.
Quand on sait, d’après une étude américaine New Work new World de janvier 2024, que l’IA générative aura transformé 9 métiers sur 10 d’ici 2032, on comprend que l’adaptation professionnelle est l’enjeu majeur de ces prochaines années.
… Et tous azimuts
Nombreux sont les théoriciens à avoir décrit les types de changement nous affectant au quotidien : changement lié à la transition numérique comme cité précédemment, mais aussi écologique, énergétique, changement lié à la mondialisation, à l’évolution de nos sociétés etc.
Le sociologue allemand Hartmut Rosa identifie quant à lui 3 types d’accélérations qui décrivent assez bien ce que nous vivons : l’accélération technique, l’accélération du changement social et l’accélération du rythme de vie.
- L’accélération technique conduit à des innovations constantes dans le domaine des transports, de la communication, de la fabrication, offrant plus d’opportunités mais aussi plus de complexité.
- L’accélération du changement social conduit à des évolutions touchant les institutions sociétales, notamment la famille et le travail, qui sont marqués par une moindre stabilité et réclament de ce fait davantage d’adaptabilité et de capacité à changer.
- L’accélération du rythme de vie en est presque la conséquence : dans une journée, c’est une diversité plus grande de situations à gérer, de tâches à réaliser, de contraintes et d’attentes à concilier !
Pourquoi est-il si difficile de s’adapter à ces changements ?
S’il est vrai que notre cerveau nous a (bien) accompagnés jusqu’ici, il n’est pas amateur du changement.
Instinctivement, le cerveau réagit en nous alertant pour éviter un potentiel danger. En plus, c’est un fainéant ! Représentant 3% de notre corps mais consommant 20% de notre énergie, il recherche l’économie en privilégiant le connu (synonyme de sécurité), les automatismes et les habitudes (zone de confort) et les raccourcis (terreau de nos biais cognitifs).
De surcroit, la balance bénéfice/effort ne penche pas dans le bon sens. Le cerveau aime ressentir un plaisir directement lié à l’acte, tandis que le changement nécessite une gestion de l’effort, une prise de risque et une dimension temporelle qui suppose une certaine constance.
Nous sommes donc cernés par les accélérations et « entravés » par notre cerveau.
Alors…
Pourquoi devrait-on s’adapter ?
« Qui n’avance pas recule ». Nous connaissons tous cette citation attribuée d’aucun à Goethe d’autre à Confucius.
À moins d’appartenir à une minorité qui avoue qu’elle n’y comprend plus rien et qu’elle jette l’éponge, nous cherchons tous à rester dans la course et à ne pas apparaître comme trop dépassés. Question d’égo ? De survie ? Difficile de faire de la résistance quand tout notre environnement évolue.
De ce fait, l’adaptabilité est devenue une compétence clé, et l’adaptabilité professionnelle l’une des 10 soft skills les plus recherchées en entreprise aujourd’hui.
Le professeur M. Savickas, psychologue américain de renom, définit l’adaptabilité professionnelle comme « l’ensemble des ressources et moyens mobilisables par un individu pour explorer les possibilités, prendre des décisions et planifier des actions en vue de réaliser des objectifs professionnels ».
Les connaissances et le bagage technique sont certes importants pour tenir un poste mais les outils, les organisations, les objectifs et les métiers évoluent tellement vite que, pour ne pas être dépassés, les soft skills (compétences non techniques) prennent le pas sur le reste. L’adaptation rapide est en effet essentielle pour rester compétitif sur le marché du travail. Elle permet de prendre en main de nouveaux outils, d’accompagner le changement sans douleur, de s’intégrer facilement à une nouvelle équipe, de se lancer naturellement dans de nouveaux projets.
Dès lors…
Comment développer son adaptabilité et son employabilité ?
Avoir malgré tout confiance dans la capacité de notre cerveau
Déjà, il faut tordre le cou à une idée bien ancrée : notre stock de neurones ne décroit pas à l’âge adulte. De nouveaux neurones peuvent être produits tout au long de la vie (neurogénèse) et notre cerveau peut de la même manière se réorganiser et s’adapter grâce à sa plasticité.
Pour compenser l’effet de l’âge, on peut en effet compter sur la capacité plastique du cerveau qui peut s’exprimer jusqu’à la fin de la vie. Si l’apprentissage est peut-être un peu plus long, l’expérience couplée à cette plasticité cérébrale aide à maintenir notre adaptabilité.
Au-delà de ces caractéristiques physiques, on peut rajouter deux dimensions pour développer notre adaptabilité et notre employabilité.
Développer sa curiosité permet de s’adapter
Il est important de se monter curieux. Curiosité et ouverture d’esprit nous maintiennent en effet dans une dynamique d’apprentissage et d’ouverture au changement. On peut s’ouvrir aux nouveautés par la veille technologique, suivre des MMOC qui nous intéressent, échanger avec des professionnels sur les évolutions du métier et des recherches en cours ou de nouvelles pratiques…
Ainsi, dans le modèle proposé par Paul Ashcroft, Simon Brown et Garrick Jones dans « The Curious Advantage », plusieurs pistes méritent d’être explorées :
- Allez voir ailleurs : la1ère piste est de chercher de nouveaux contextes pour sortir de son périmètre habituel en suivant un podcast, un webinaire, même court sur un thème nouveau, idéalement très éloigné de ses domaines d’expertise – artistique pour un scientifique, historique pour un marketeur etc.
- Opération « têtes nouvelles » : pour affûter sa curiosité et de sortir de son cercle habituel, partez à la rencontre d’illustres inconnus qui ouvriront peut-être votre champ de conscience à l’occasion d’un café ou d’une sortie.
- Exercez votre esprit critique : remettre en cause les évidences, questionner les apparences, voir les choses sous un autre angle…pas du tout naturel ! Alors faites subir un crash test à certaines de vos idées ou solutions en les confrontant d’autres façons de penser…
- Et surtout, provoquez-vous même vos changements : faites un détour, changez de lieu, tentez un nouveau style, essayez une nouvelle méthode de vous-même…
Se former pour s’adapter
Au-delà de d’être curieux envers soi et envers les autres, cultiver ses connaissances et compétences en misant sur la formation continue est également un levier à actionner tout au long de sa vie professionnelle.
La législation française qui demande à l’employeur de remplir ses obligations en matière de formation pour permettre une adaptation au poste de travail, un maintien dans l’emploi mais aussi le développement des compétences des salariés a ouvert de vastes perspectives à qui s’y intéresse.
Les formes d’apprentissage (présentiel, distanciel, blended…) et thématiques (connaissances techniques, pratiques managériales, soft skills etc.) sont tellement multiples et diverses qu’avec un peu de recherche ou le support de professionnels, on trouve chaussure à son pied pour développer son employabilité, se perfectionner, comme se reconvertir.
En conclusion…
« Rien n’est permanent sauf le changement » (Héraclite d’Éphèse, philosophe grec -500 av. J.-C.).
« Il n’y a qu’une seule chose dans la vie que ne change jamais, c’est le changement » (Confucius, philosophe chinois -500 av. J.-C.).
On le sait depuis au moins plus de 2 500 ans : le changement est partout et tout le temps. Et la recherche sur le cerveau a montré que les difficultés à s’adapter ne sont pas toujours où on pensait qu’elles étaient.
Il est donc vraisemblable de penser que Oui, on peut effectivement s’adapter tout au long de sa vie professionnelle… et même après !
Le monde nous entraîne ainsi dans sa course et chacun fait appel au moteur qui lui parle le plus. Que la motivation soit financière, liée à l’estime de soi, à l’intérêt général, à la survie, à la recherche d’un idéal… n’oublions pas que l’humain n’en finit pas de savoir s’adapter ! La prochaine question sera peut-être : y a-t-il une limite ?
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